Le reportage sportif à la télévision épouse presque toujours le même format. On commence par les premières secondes du match avec l’arrivée des joueurs sur le terrain et on termine par les interviews d’après-match et l’ambiance dans les vestiaires. Rarement le reportage est conçu comme un récit.
Dimanche 26 août 20012. La première chaîne de la télévision tunisienne, Al Watanya 1, diffuse en soirée une de ses émissions phares: Dimanche sport. L’émission repose, pour l’essentiel, sur la programmation de reportages qui rendent compte des différentes rencontres de la 25ème journée du Championnat national de football.
Il s’agit en fait plutôt de compte-rendus que de reportages. Tant ils ressemblent à des œuvres réalisées par des greffiers plutôt que des œuvres fabriquées par des journalistes. Tous –ou presque- épousent la même forme chronologique.
On commence par les premières secondes du match avec l’arrivée des joueurs sur le terrain et on termine par les interviews d’après-match et l’ambiance dans les vestiaires.
Un format de greffier
Inutile de préciser qu’entre ces deux moments, le journaliste rend compte –chronologiquement- des différents moments forts du match. 10ème minute: expulsion du joueur X; 14ème minute: tir du joueur Y sur la barre; 23ème minute: un tir du joueur Z échoue dans les filets de l’équipe A; reprise de la rencontre à la seconde mi-temps: l’entraîneur de l’équipe B opère des changements qui vont se révéler efficaces; 57ème minute: le joueur Y réussira à rendre les équipes à égalité; etc.
Un format auquel est habitué le téléspectateur depuis des années. Et pas seulement sur Al Watanya 1. Un format des plus routiniers que l’on rencontre que rarement –sinon jamais- sur les écrans des chaînes étrangères et notamment européennes.
Il suffit en effet de regarder des chaînes comme France 2, la RAI 1, la TRT ou encore la BBC pour se rendre compte que celles-ci n’adoptent jamais ce format-répète-le- de greffier.
«Human interest»
Sur ces chaînes, une rencontre de football est racontée comme une histoire. Les journalistes anglo-saxons ne se sont pas trompés en usant du terme «news story». Une manière de dire que l’information est d’abord un récit.
Ce qui sous-entend qu’elle se doit d’intéresser le consommateur (de capter son attention) avec une forme attractive de narration et qu’elle se doit de se trouver une structure qui s’adapte au format du récit avec notamment la recherche d’un angle d’attaque et un cheminement: élément initial, élément perturbateur…
Exemple parmi d’autres, le reportage concernant la rencontre entre l’Olympique de Béja et l’Espérance Sportive de Tunisie (3-1), diffusé, dans un format chronologique, pouvait épouser un format plus attractif. L’élément le plus important de la rencontre était, sans le moindre doute, la réaction de l’entraîneur de l’EST, Nabil Maaloul, qui a vu son équipe, première du Championnat, et qui sortait d’une victoire méritée, en Champion’s League, s’effondrer face à une équipe béjoise qui a créé la surprise.
En effet, Maaloul a été expulsé du terrain par l’arbitre à qui il a reproché, dans une interview d’après match, une certaine partialité. Et il a dû passer une bonne partie de la rencontre dans les gradins. Où il a semblé quelquefois énervé. La caméra avait d’ailleurs diffusé une séquence où on le voyait recroquevillé sous sa casquette.
N’allons pas plus loin pour dire que la scène méritait de constituer le fil d’Ariane qui pouvait alimenter le récit. A partir de cette scène, le journaliste pouvait raconter une défaite qui a dérangé. Ce qui était le cas. La trouvaille avait l’avantage d’«humaniser» le reportage. A y introduire ce que les Anglo-saxons appellent le «Human interest». C’est-à-dire ramener toujours l’information à une expérience humaine avec ce qu’elle connaît comme amours, haines, dépits, succès, erreurs, ressentiments…
Cela permet surtout de sortir des sentiers battus et routiniers de la chronologie. Qui tendent à nous faire croire que toutes les rencontres se ressemblent. Dommage!