«Et toi…Qu’est-ce que tu sais faire?» est un ouvrage écrit par une universitaire qui côtoie des étudiants depuis plus de 10 ans. Le livre est destiné au jeune lecteur, le diplômé au chômage, l’étudiant qui ne sait pas encore quelle est la réalité du marché du travail. Mais aussi aux parents soucieux de l’avenir de leurs enfants, parents qui croient dur comme fer que plus on travaille à l’école, plus on réussit sa vie. Les chiffres du chômage -des diplômés notamment- peuvent les laisser alors dans l’incompréhension et le désarroi le plus total…
Interview de Sondes Khribi Khalifa l’auteure de ce livre.
WMC : Bonjour Sondes, voulez-vous nous présenter votre livre «Et toi… Qu’est-ce que tu sais faire?»
Sondes Khlifa: Ce livre est d’abord destiné aux jeunes qui sont bourrés d’énergie, de talent, et d’envie… mais qui sont frustrés tous les jours un peu plus. Car ils ne savent quoi faire, ne trouvent pas de travail, font de longues études, sacrifient de leur temps, de leur énergie, pour subir, au bout du tunnel, le choc de la réalité… plus de 50% de chômage chez les diplômés, et moins de 10% chez les analphabètes: plus on fait des études, moins on est employable. Autant dire… le monde à l’envers.
Qu’est-ce que vous essayez d’apporter à travers ce livre?
Dans ce livre, je donne d’abord au jeune lecteur les clés pour comprendre ce qui se passe. Il faut absolument que le jeune puisse comprendre, c’est une étape primaire vers la porte de sortie, ou la solution à trouver. Ensuite, j’explique à ce jeune (diplômé le plus souvent) ce qu’est l’employabilité, comment développer une employabilité réelle. Car aujourd’hui, la relation diplôme-employabilité n’est plus valable.
La démarche que je prône est celle des compétences propres, «Skills» pour les Anglophones. J’invite donc chaque jeune garçon et chaque jeune fille à trouver le véritable talent caché au fond de lui même. Talent caché ou enseveli par des années d’études théoriques… Talent qu’il faut sortir au grand jour, reconnaître et valoriser, développer, perfectionner, et en faire une compétence différente, donc rare. Autant dire une arme, qui puisse changer le rapport de force classique employeur-employé, en faveur du premier traditionnellement, puisque ce sont des milliers de diplômés qui sortent chaque année pour quelques centaines de postes tout au plus. Et pour aller vers un autre rapport de force, qui puisse donner au jeune un travail digne, un salaire digne, et une carrière.
Car il ne suffit pas de travailler, le travail précaire (c’est-à-dire sous forme de contrats à l’infini) et mal payé… ce n’est pas ce que nous voulons pour nos enfants.
Vous parlez aussi de microprojets. Vous invitez donc les jeunes à entreprendre. Pensez-vous que le jeune de 22 ans fraîchement diplômé soit «prêt» pour lancer un projet? En réalité les banques ne veulent pas prêter de l’argent à ce genre de profils, peu expérimentés… Qu’en pensez-vous?
Oui, vous avez tout à fait raison de poser cette question et me permettre de clarifier les choses. La grande erreur que font les jeunes à la sortie de l’école, c’est de viser des grands projets à des centaines de milliers de dinars. Normal, car les études qu’ils font sont en général orientées vers la grande entreprise. Les MPME (micro, petites et moyennes entreprises) sont quasi absentes du paysage des études, de surcroît, excessivement théoriques, que nos universités offrent. Ceci est un des problèmes à l’origine du chômage ou de la baisse d’employabilité de façon générale.
En réalité, c’est la MPME qui forme le plus gros du tissu économique et de l’emploi d’un pays qui se veut prospère. Car le monde change, ce ne sont plus ces grandes entreprises qui fournissent de l’emploi…elles en détruisent au contraire -en tout cas pour certaines elles-, si non elles font du dumping social, et menacent de partir à la première opportunité dans l’air.
Vous savez, avec la mondialisation, l’entreprise peut délocaliser et aller où elle veut… en traquant toujours le moindre coût.
Les microprojets sont donc ces projets parfaitement adaptés au jeune de 22 ans, sans beaucoup d’argent, ni expérience, mais avec une passion pour quelque chose, et une envie de réussir.
Je développe quelques points clés de ces projets, qu’on dit à forte valeur ajoutée. Qu’est-ce que la valeur ajoutée? Que demande le client aujourd’hui? Comment toucher les marchés de grande taille derrière son écran d’ordinateur? Qu’est-ce que l’empreinte culturelle, etc.
Vous pouvez ainsi lancer un microprojet avec moins de 5.000 dinars. Et le facteur clé de succès de ce projet ne sera pas l’investissement ou la quantité d’argent à mettre sur la table, mais la quantité de créativité, d’ouverture d’esprit, et de volonté de votre part. Il vous suffit de comprendre les nouveaux modes de consommation aujourd’hui de par le monde, comprendre le potentiel que représente Internet, comprendre la nouvelle logique des marchés, et aller de l’avant…
Vous critiquez sévèrement le système aussi…?
Le gros problème vient du système éducatif qui est le nôtre à mon avis, système empreint de certaines valeurs comme la supériorité des connaissances et compétences intellectuelles, sur toutes les compétences que peut développer un cerveau humain, et elles sont nombreuses. D’où, par exemple, une supériorité implicite des métiers intellectuels (ou de bureaux…) sur les métiers manuels, ce qui est une aberration.
Le système induit également certains freins socio-psycho-culturels, une mentalité de l’assistanat (ou Etat providence), une culture du diplôme et du prestige, aux dépens d’un amour véritable des métiers… Je développe tout cela aussi dans le livre, afin que le jeune lecteur comprenne ce qui se passe encore une fois, pourquoi on en est arrivés-là. C’est capital de comprendre.
Vous appelez donc à une réforme du système de l’enseignement, au niveau du supérieur notamment?
Oui, il faut une réforme globale et radicale du système éducatif, précisément des filières qui fabriquent le plus de chômeurs. Le monde change, l’économie change, le paysage et la définition même de l’emploi ou du travail, changent également. Il faut absolument s’adapter.
Le système éducatif ne doit plus être cette sorte d’usine qui fabrique des diplômés en masse, comme des produits à la chaîne, tous identiques, tous sans personnalité, sans différenciation. Ce n’est même plus ce que demande l’entreprise.
Il faut ouvrir les champs du possible, diversifier les parcours scolaires, donner des outils et des qualifications aussi diversifiés, enseigner autrement, booster les cerveaux et non pas faire du bourrage de crâne.
Ne pensez-vous pas que cela prend du temps… qu’il faut compter au moins une génération pour récolter les fruits de cette réforme?
Tout à fait. C’est exactement pour cette raison que j’appelle chaque jeune lycéen, étudiant, ou diplômé, à prendre sa vie en main. L’Etat doit jouer son rôle. L’Etat doit mettre en place une stratégie globale et de long terme, il doit lancer les bases d’une différenciation et d’une compétitivité, région par région.
Adapter ensuite le contenu de l’enseignement aux débouchés de la région, ensuite du pays… Mais il faut sortir de la mentalité de l’Etat providence.
Chacun doit faire les choix qui lui conviennent, et chacun doit construire son chemin de vie, son projet personnel professionnel, selon sa subjectivité propre, ses capacités propres, et les conditions d’environnement bien sûr.
Ce livre explique, d’abord, comment trouver des solutions individuelles, de sortie de crise.
Où est-ce qu’on peut trouver ce livre? Et quel est son prix…On dit que la jeunesse n’est pas très portée sur la lecture, alors…?
C’est vrai que les prix des livres en Tunisie restent élevés par rapport au budget d’un étudiant, ou celui d’un ménage moyen. C’est justement pour cette raison que j’ai décidé de poster mon livre en pdf sur le net, tout le monde peut donc le télécharger gratuitement, l’imprimer, et le lire. Ou le lire sur l’écran de son ordinateur ou de son téléphone portable, à chaque fois qu’il a un petit moment. J’espère ainsi encourager tous les étudiants, comme parents et/ou enseignants aspirant à une rénovation pédagogique réelle, à le lire. La technologie permet des miracles aujourd’hui, autant en profiter…
Toute personne qui cherche une porte de sortie de cette crise du chômage des diplômés trouvera dans ce livre, je l’espère, une réflexion nouvelle et des idées concrètes (j’entends des exercices et une démarche pratique) applicables dans l’immédiat.
Une version en arabe est aussi en cours de préparation, car l’handicap de la langue (française) est majeur chez nos étudiants. L’arabe permettra ainsi de diffuser les idées et la démarche du livre, de façon plus élargie. Espérons!
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