L'”infobésité”, un nouveau fléau dans l’entreprise

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évrier 2012 au siège à Paris (Photo : Pierre Verdy)

[31/08/2012 07:32:09] PARIS (AFP) Vous ne parvenez plus à absorber les messages qui inondent votre boîte mail? A hiérarchiser et traiter le flux d’informations? Vous souffrez sans doute d'”infobésité”, comme de plus en plus de salariés.

Traduction de l’anglais “information overload”, l'”infobésité” se définit comme “la +pathologie+ de la surcharge informationnelle”, explique à l’AFP Caroline Sauvajol-Rialland, maître de conférence à l’Université Catholique de Louvain et à Sciences Po Paris.

Principal responsable, le courrier électronique devenu l’outil de travail et de communication dominant en entreprise.

“C’est une vrai souffrance. Cela met les personnes en situation d’angoisse constante, d’inquiétude, de frustration parce qu’elles n’arrivent pas à suivre ce flot continu, qui, du coup, entraîne un sentiment d’impuissance et un fort stress”, assure la chercheuse.

“Nous sommes à la fois des récepteurs et des utilisateurs d’information, mais également des émetteurs d’information, donc à la fois les premières victimes de cette surcharge, mais aussi les principaux acteurs”, relève-t-elle.

A titre d’exemple, elle cite deux formes de mail en pleine expansion: “le mail parapluie, +je me protège+, et le mail de visibilité, +je suis le plus beau, le plus fort et j’ai obtenu cela+”.

Chercheur au CNRS, Thierry Venin observe que “l’urgence succède à l’urgence”. “Dès qu’on a reçu un mail, il +faut+ y répondre sinon celui qui vous l’a adressé vous appelle en vous disant +tu n’as pas reçu mon mail ?+. Une minute de libre? Vite, un coup d’oeil sur la messagerie pour voir si rien n’est arrivé ! Il y a aussi un côté addictif”, prévient-il.

Dans une enquête sur le stress au travail, réalisée pour la CFE-CGC, plus de 80% des personnes interrogées estiment que les outils électroniques accroissent les informations à traiter et imposent des temps de réponse toujours plus courts.

Une journée sans mail par trimestre

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électronique dans le cadre des élections professionnelles, le 14 octobre 2011 à Paris (Photo : Mehdi Fedouach)

Neuf cadres sur dix estiment également qu’ils doivent travailler trop vite. Le fait d’être “fréquemment interrompu dans son travail” est le facteur de stress le plus important pour 74% des salariés.

“Un cadre est interrompu dans une fourchette de temps entre 2 et 8 minutes. C’est presque la torture de la goutte d’eau”, affirme Thierry Venin.

Pour lui, l’entreprise fournit de plus en plus de moyens de connexion (smartphones, extranet…), mais “lâche les gens sur l’autoroute de l’information sans aucun code de la route”. Or, “il faut des règles”.

L’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) a publié fin 2011 une charte incitant les entreprises à mieux maîtriser la messagerie électronique qui “peut devenir un outil dévastateur”.

Conscients du problème, EDF, la Société générale et le groupe Casino conseillent par exemple de “préférer le face à face au mail”. Chez Canon France, une fois par trimestre, les 1.800 collaborateurs sont incités à une journée sans mail afin de privilégier les échanges.

Selon l’Orse, 56% des utilisateurs consacrent plus de deux heures par jour à la gestion de leur boîte mail et 38% reçoivent plus de 100 messages par jour. 65% déclarent vérifier leur messagerie toutes les heures mais le font en réalité bien plus souvent, parfois toutes les cinq minutes.

Pour Dominique Wolton, directeur de l’Institut des sciences de la communication du CNRS, “l’information accessible est devenue une tyrannie: il y en a trop, accessible trop rapidement.

“On a l’impression maintenant que toutes les décisions doivent être prises dans le quart d’heure. Dans les entreprises comme en politique on est toujours au bord du gouffre atomique. Il y a une espèce de dramatisation de l’urgence, qui est extrêmement dangereuse”, conclut le spécialiste des médias.