Arnault lâche une bombe dans le débat fiscal en demandant à devenir Belge

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à Paris (Photo : Francois Guillot)

[08/09/2012 19:17:46] PARIS (AFP) Le patron de l’empire du luxe LVMH, Bernard Arnault, a démenti samedi son exil fiscal en Belgique mais sa démarche de naturalisation dans ce pays a fait l’effet d’une bombe en plein débat sur la taxe à 75% des très hauts revenus promise par le président François Hollande.

Quatrième fortune mondiale et première d’Europe selon le magazine Forbes, le milliardaire a affirmé avoir “sollicité la double nationalité franco-belge” à seule fin de développer ses investissements dans le pays.

“Contrairement aux informations publiées ce jour, M. Bernard Arnault précise qu’il est et reste résident fiscal français”, ont assuré ses services après la révélation par le quotidien La Libre Belgique d’une demande de naturalisation déposée à Bruxelles.

“L’obtention éventuelle de la double nationalité franco-belge ne change rien à cette situation, ni à sa détermination de poursuivre le développement du groupe LVMH et les créations d’emplois qui en sont la conséquence en France”, ont-ils souligné, dans un communiqué faisant valoir que le numéro un mondial du luxe “embauche, chaque année, plusieurs milliers de personnes en France” et “contribue massivement aux exportations françaises”.

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évrier 2011 à Paris (Photo : Eric Piermont)

M. Arnault a déposé sa demande la semaine dernière, selon Georges Dallemagne, président de la commission des naturalisations de la Chambre des représentants, une des deux chambres du Parlement belge.

“Le dossier sera traité comme tous les autres. Il y en a 47.000 sur notre table”, a déclaré M. Dallemagne à La Libre Belgique. Il a rappelé que les postulants doivent notamment “prouver trois ans de résidence en Belgique” ou “des attaches véritables avec” le royaume. D’autres Français fortunés, comme Johnny Hallyday, se sont déjà heurtés à ces conditions.

Le patron de LVMH réside à Paris mais il dispose aussi d’un domicile à Bruxelles. Ses services ont souligné ses “nombreux liens avec la Belgique” aux plans personnel et professionnel.

Une source proche du dossier jointe par l’AFP a évoqué sans plus de détails un “projet” d’investissement “sensible”, “qui serait facilité par le fait que Bernard Arnault ait la nationalité”. Egalement interrogé, un fin connaisseur du groupe a, sous couvert d’anonymat, avancé la piste d’un “lien avec Albert Frère”, milliardaire belge ami de M. Arnault.

La révélation de cette requête a enflammé le débat sur les projets fiscaux du gouvernement français, au moment où le président de la République a réaffirmé son intention de taxer à 75% les plus hauts revenus.

L’ancien Premier ministre François Fillon a mis la démarche de Bernard Arnault sur le compte des “décisions stupides” du gouvernement.

A gauche, le PCF a dénoncé une “lâche trahison” du patron de LVMH et appelé à “mettre hors d’état de nuire les dirigeants irresponsables et cupides”.

“C’est une insulte à notre pays”, a renchéri sur BFMTV Karine Berger, députée des Hautes-Alpes et secrétaire nationale du PS à l’économie. “Quand on aime la France, on ne la quitte pas par gros temps !”, a réagi sur Twitter Harlem Désir, prétendant à la succession de Martine Aubry à la tête du parti.

Le mouvement patronal Ethic a fait part de “sentiments mitigés car les chefs d’entreprise aiment leur pays et souhaitent entreprendre en France”. Mais “actuellement, ils se sentent +chassés+ dans tous les sens du terme”, a affirmé sa présidente Sophie de Menthon.

A la veille de la rentrée télévisée du chef de l’Etat dimanche sur TF1, le gouvernement est en revanche resté muet.

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à Paris (Photo : Eric Piermont)

François Hollande a dit vendredi qu’il ne ferait pas machine arrière sur la taxation des plus hauts revenus, promesse électorale emblématique. “J’ai pris des engagements et ils seront tenus”, a-t-il affirmé.

Reçu mercredi à Matignon, Bernard Arnault avait réitéré au Premier ministre Jean-Marc Ayrault son opposition à ce projet.

La fiscalité est plus avantageuse en Belgique qu’en France pour les grandes fortunes, notamment en raison d’une faible taxation du capital et de l’absence d’impôt sur la fortune (ISF), mais des spécialistes interrogés par La Libre Belgique ont rappelé que c’est la résidence qui prime et non la nationalité.

Certains ont évoqué l’hypothèse que M. Arnault souhaite devenir Belge pour s’affranchir de la nationalité française et s’installer ensuite à Monaco.

Proche de l’ancien président Nicolas Sarkozy et libéral revendiqué, M. Arnault possède une fortune estimée par Forbes à 41 milliards de dollars. Après la victoire de la gauche en 1981, il s’était exilé aux Etats-Unis pendant trois ans.