Dans le vaste chantier de réformes politiques, sociales, et économiques qu’est devenue la Tunisie après le 14 janvier 2011, tous les dossiers sont en train d’être mis, les uns après les autres, sur la table en vue d’améliorer ce qui doit l’être dans l’organisation et le fonctionnement des différents secteurs.
Celui de la subvention des produits de base en fait partie, qui est appelé tôt ou tard à être traité de manière à concilier deux considérations apparemment difficilement conciliables: préserver le pouvoir d’achat des couches les plus défavorisées de la population et alléger ce fardeau de plus en plus lourd pour le budget de l’Etat qu’est la Caisse Générale de Compensation. D’autant qu’au fil des ans, ce système a complètement dérapé, tant au niveau du budget alloué que son efficience puisqu’il profite autant, voire plus, à la frange la plus aisée de la population qu’à la plus pauvre.
Une réalité que met en exergue un nouveau rapport du Fonds monétaire international (FMI) en date du 4 septembre. Dédié aux discussions entre cette organisation et la Tunisie dans le cadre de l’Article 4, ce document consacre un chapitre au «rôle et implications des subventions» en Tunisie.
Mis en place pour la première fois en 1945 et formalisé en 1970, avec la création de la Caisse Générale de Compensation (CGC), ce système subventionne les prix des produits alimentaires et les hydrocarbures. Alors que ces subventions avaient jusque-là été «universelles», c’est-à-dire qu’elles bénéficiaient sans restriction à tous les consommateurs, le système a été réaménagé une première fois au début des années 90 pour limiter les subventions des produits alimentaires (céréales, lait, sucre, concentré de tomates, et huiles de cuisson –à l’exception de l’huile d’olives) aux plus pauvres.
Les produits subventionnés étant vendus à un prix administré inférieur aux coûts de production ou d’importation, la CGC paie la différence aux opérateurs et reçoit en retour une dotation budgétaire du gouvernement.
Ce qui veut dire, comme le souligne le rapport du FMI, que si les subventions des produits alimentaires et pétroliers ont aidé à contenir la pression inflationniste, elles ont un «impact significatif sur le budget de l’Etat». D’autant qu’elles ont doublé pour passer de 2% du produit intérieur brut en 2010 à 4% en 2011, parce que le gouvernement a décidé de «délier» les prix domestiques de ceux pratiqués à l’échelle internationale et, surtout, de réintroduire certains produits de base –lait et sucre- dans l’assiette des produits subventionnés.
D’où la conclusion en forme de recommandation du FMI que le fait de «réformer le système des subventions en Tunisie réduirait les coûts budgétaires et protégerait mieux les pauvres». Ce pourrait être fait en éliminant progressivement les subventions de prix généralisées et en mettant en place des «filets de protection sociale appropriés» -comme un système de prix subventionnés destiné aux segments les plus vulnérables de la population ou des transferts directs en espèces aux individus et foyers pauvres. Une démarche qui présente pour le pays l’immense avantage de «libérer des ressources fiscales supplémentaires qui pourraient être utilisées dans des dépenses prioritaires –dans les infrastructures, la santé et l’éducation- et, partant, de mieux faire face aux demandes sociales».