L’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) n’a pas tenu, cette année, sa traditionnelle conférence de presse pour présenter le classement de la Tunisie dans le rapport mondial sur la compétitivité, élaboré par le Forum économique de Davos avec le concours de l’université américaine Harvard. Et pour cause. La Tunisie a été tout simplement retirée du classement 2012-2013. Un autre coup dur pour l’économie du pays.
D’habitude, l’IACE, qui est le partenaire accrédité officiellement pour la collecte des données locales pour le compte de Davos sur la base desquelles le classement du pays est confectionné, exploite ce grand rendez-vous hyper-médiatisé pour se faire de la publicité et pour mieux faire connaître les performances sectorielles et institutionnelles du pays. Le régime déchu avait toujours accordé un intérêt fort particulier à ce classement utilisé à des fins propagandistes.
Pour mémoire, la Tunisie, qui a toujours été classée parmi les 50 premiers pays du monde et la première dans son environnement géographique (Maghreb, monde arabe…) en matière de compétitivité macroéconomique sur un total de plus de 140 pays listés en moyenne, a constamment utilisé cette publicité positive générée par cette distinction pour attirer les investisseurs, donner la meilleure image qui soit de l’environnement des affaires qui y prévaut et exploiter les critiques pour pallier les insuffisances.
Ce rapport ayant pour mérite de passer au peigne fin la situation politique, économique et financière du pays: institutions, taux de croissance, politique de change, taux d’intérêt, infrastructure, qualité de l’éducation et de l’enseignement, climat des affaires, maîtrise des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), technopoles…
Pour revenir sur le non-classement de la Tunisie en 2012-2013, Davos et l’IACE semblent avoir bien coordonné leur décision de retirer la Tunisie de ce classement pour éviter le pire. C’est du moins ce que laissent entendre leurs déclarations-réactions aux relents diplomatiques.
Les auteurs du rapport ont indiqué avoir décidé “de ne pas communiquer les résultats de cette année, en raison d’un changement structurel important dans les données, qui a rendu les comparaisons avec les années passées difficiles”, affirmant “espérer dans l’avenir ré-inclure la Tunisie dans le classement”.
Pour sa part, l’IACE, par la voix de son porte-parole, Slim Zeghal, a révélé qu’il s’agit d’un carton rouge, voire d’un signal d'”alerte quant à la possibilité d’une importante dégradation de la Tunisie, dans le classement de Davos” mais qui laisse au pays “un laps de temps pour se rétablir, pour le prochain classement”.
Pourtant, rien au niveau officiel ne présageait une telle dégradation avec l’Institution de Davos. Une chose est sûre, aujourd’hui, il semble que la participation tonitruante et coûteuse du leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi et du chef du gouvernement provisoire Hamadi Jebali à la 42ème réunion du Forum économique mondial de Davos n’ait pas eu ni le succès escompté ni l’effet souhaité sur les milieux d’affaires. Ce non-classement est une illustration éloquente du peu de confiance du monde des affaires dans la Troïka.
D’ailleurs, l’alerte a été donnée par l’explication fournie par l’agence de notation américaine, Standard and Poor’s à sa décision de dégrader de deux crans la note de la dette à long terme de la Tunisie à “BB”, reléguant ainsi le pays dans la catégorie des “emprunteurs spéculatifs“, c’est-à-dire incapables de rembourser leurs dettes à long terme. L’agence n’a pas hésité à justifier, à l’époque, cette notation «par le mauvais rendement du pouvoir en place avec ces trois composantes: présidence de la République, Assemblée nationale constituante et présidence du gouvernement».
Mais le gouvernement «de toutes les performances» n’a pas daigné en tirer la leçon et s’est même employé à éroder la crédibilité macroéconomique du pays en déstabilisant ses structures et institutions à travers le limogeage arbitraire de leurs responsables dont le directeur général de l’Institut national de la statistiques et le gouverneur de la Banque centrale… et bien d’autres encore.
D’autres événements improductifs: le donquichottisme d’un tout petit président provisoire élu avec 5 mille voix qui se veut donneur de leçons aux autres peuples (exposition du pays à des risques inutiles…), l’adoption tardive du budget au mois de mai, le retard qu’accuse l’élaboration de la Constitution, la démission du ministre des Finances, les multiples gaffes de la diplomatie tunisienne (annonce de la suppression du visa sans concertation pour les ressortissants maghrébins…), les dérapages sécuritaires (complicité de la police et de la justice avec les hordes salafistes qui ont terrorisé, une année durant, avec leurs appels au meurtre les think tank du pays), la contreperformance de l’administration avec les coupures scandaleuses de l’eau et de l’électricité dans un pays à vocation touristique, les spectacles désolant des ordures qui jonchent partout, l’influence négative de la non intervention de la police lors du saccage des entreprises, la recrudescence de la violence des revendications sociales (sit-in, grèves…), autant de facteurs qui ont, en l’espace d’une année, contribué à ternir l’image du pays en tant que site de production international. Sans oublier les relations tendues entre le gouvernement et la presse nationale…
Et il semble que le pays ne soit pas au bout de ses peines. Dommage !