«Le dialogue social est imprégné du climat politique. Et tant qu’on est dans le flou, la relation entre les parties sociales restera tendue. Il y a aussi une angoisse sociétale globale qu’on n’arrive pas à calmer. Les Tunisiens ont besoin d’être rassurés globalement, au double plan politique et économique», indique Khelil Zaouia, ministre des Affaires sociales, lors de la séance d’ouverture du Forum de l’Association des Tunisiens des Grandes Ecoles (ATUGE), ce 13 septembre 2012.
Des propos qui ont provoqué l’indignation de certains participants au forum, estimant qu’étant membre du gouvernement, M. Zaouia maintient le flou, comme il l’a bien dit sur la situation politique dans le pays. N’est-ce pas au gouvernement de rassurer l’élite et les citoyens sur l’avenir du pays, en donnant un agenda clair?
Ceci n’est pas le cas, selon le ministre. «Le gouvernement ne peut pas tout faire seul. Il y a des partenaires sociaux qui ont un grand rôle à jouer. Les acteurs politiques aussi doivent ménager un consensus», se défend-t-il. D’ailleurs, l’absence du secrétaire général de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), Samir Cheffi, soulève des questions. Une absence que M. Zaouia n’a pas manqué de relever.
De la surenchère…
Pour Hassine Dimassi, ex-ministre des Finances (démissionnaire), ce pacte social vital ne peut être concrétisé en substituant le discours de la surenchère (politique et social) à un discours serein et en substituant les faux débats stériles du moment à des vrais et utiles débats.
D’un autre côté, M. Zaouia parle d’une révolution culturelle précédant l’établissement d’un pacte social global et intégré. A l’heure actuelle, un projet de contrat social engageant le ministère des Affaires sociales, l’UTICA et l’UGTT est en cours d’élaboration. Il devrait être prêt aux alentours de mi-janvier 2013. Ce contrat social n’est pas figé, selon les propos de M. Zaouia. Il sera finalisé avec l’établissement du consensus politique –qui reste encore un souhait– et révisé, suivant la donne. «Après les élections?». «Probablement!», nous répond le ministre, en ajoutant que «ce serait plus facile puisqu’il y a déjà une base de départ».
Nouvelles forces…
Sidi Bouzid, ville symbole du «printemps arabe», a été évoqué par Gilles Kepel, islamologue français et professeurs des Universités à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, comme exemple de tension sociale qui vit la Tunisie. «La question sociale se présente avec une acuité égale de celle qui a déclenché la révolution. J’ai senti la rage et le mécontentement. Les jeunes sentent que leurs conditions ne se sont pas améliorées, au contraire elles se sont aggravées. L’émergence des leaders politico-religieux alimente une partie de ces tensions sociales», observe-t-il.
Sur cette question, le ministre estime que le populisme le plus large a prévalu. Il indique que certains acteurs politiques ont soumis des promesses irréalisables comme la création de milliers d’emploi. Une chose qui n’est pas possible sur le court terme, ni d’ailleurs sur le moyen terme.
Kepel évoque un déficit de traitement de la question sociale, indiquant que les mouvements salafistes sont la force extrêmement dynamique actuellement. «On ne peut pas laisser de côté la question sociale, sinon elle va faire le retour avec force et avec un vocabulaire qui ne sera pas facile à gérer», alerte-t-il.