L’Allemagne s’inquiète d’un regain d’interventionnisme étatique en France

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à Hannovre (Photo : Patrick Lux)

[14/09/2012 09:44:35] FRANCFORT (AFP) Des voix en Allemagne s’inquiètent d’un regain d’interventionnisme étatiqu en France, semblant oublier que Berlin aussi cultive cette habitude, quoique plus discrètement.

Après l’hebdomadaire Der Spiegel, qui a publié à la mi-août un très sévère dossier sur la France, début septembre c’est le président de la puissante fédération allemande de l’industrie (BDI), Hans-Peter Keitel, qui a sonné la charge contre la politique économique de François Hollande.

“Je m’inquiète du fait que la croissance en France repose toujours sur l’interventionnisme de l’Etat”, a-t-il dit lors d’un congrès bancaire à Francfort. Ajoutant: “Il faut rapidement changer de cap” car “l’écart (de croissance) se creuse entre l’Allemagne et la France”.

Avec une croissance nulle au deuxième trimestre, la France a en effet marqué le pas face à son voisin (+0,3%) qui résiste mieux à la crise de la zone euro grâce notamment à la solidité de ses exportations.

L’intervention de Paris dans le dossier du constructeur automobile PSA ou encore celle sur les prix de l’essence ont agacé, voire énervé, dans un pays où l’on prône officiellement la non-ingérence dans ce genre d’affaires.

“Le devoir du gouvernement allemand est de ne pas sauver des entreprises spécifiquement mais de fixer un cadre favorable à l’investissement et aux emplois”, explique Rolf Kroker, de l’institut de l’Economie allemande (IW).

“Le gouvernement ne veut pas se retrouver avec des entreprises en état de dépendance”, ajoute-t-il.

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ère allemande Angela Merkel, le 12 septembre 2012 à Berlin (Photo : Johannes Eisele)

Ainsi la chancelière Angela Merkel n’a pas sourcillé lors de la récente faillite de chantiers navals dans le nord de l’Allemagne, dans sa propre circonscription parlementaire.

Elle n’a pas non plus levé le petit doigt lors de la faillite en juin de la chaîne de drogueries Schlecker, qui a pourtant conduit quelque 20.000 caissières peu qualifiées au chômage. Ni le constructeur automobile Opel ni la branche solaire allemande, en difficulté, n’espèrent des aides fédérales.

Une banque publique d’investissement “condamnée à croître

Cependant quand la conjoncture était au plus bas, comme en 2009 quand l’Allemagne vivait sa pire récession depuis l’après-guerre et que la dette publique n’obsédait pas encore les marchés financiers, Berlin n’avait pas hésité à intervenir massivement pour aider les entreprises allemandes.

Plusieurs banques ont ainsi été sauvées, comme Hypo Real Estate (HRE) et Commerzbank, au prix de milliards d’euros. Aujourd’hui encore, HRE est nationalisée et l’Etat fédéral détient 25% plus une action du capital de Commerzbank.

Berlin a aussi lancé pendant la crise deux plans de relance d’un total de 81 milliards d’euros, dont un grand programme d’investissement dans les infrastructures et une prime à la casse pour soutenir l’industrie automobile, l’un des piliers de son économie.

En parallèle, le dispositif déjà existant de chômage partiel, dont les indemnisations sont assurées en grande partie par l’Etat fédéral, avait été temporairement renforcé, jusqu’au printemps 2012, et avait concerné quelque deux millions de salariés en 2009, pour un coût de 7 milliards d’euros pour l’Etat entre 2008 et 2010.

Depuis quelques semaines, plusieurs entreprises ont réactivé le dispositif classique, comme Opel ou ThyssenKrupp.

Par ailleurs, pour se financer plus facilement, les Petites et moyennes entreprises (PME) notamment peuvent compter sur la KfW, la banque publique d’investissement allemande, le troisième plus gros institut de crédit du pays, qui bénéficie de garanties de l’Etat fédéral.

Ce modèle est devenu une source d’inspiration en Europe, notamment pour la future Banque publique d’investissement (BPI) française.

La KfW est “condamnée à croître”, a récemment déclaré son patron Ulrich Schröder, en évoquant la difficulté des entreprises à emprunter auprès des autres banques, qui réduisent leurs actifs pour se conformer à des obligations réglementaires accrues de prudence.

La KfW entend également accompagner le virage énergétique de l’Allemagne, qui compte renoncer au nucléaire d’ici 2022. Elle prévoit de mettre à disposition plus de 100 milliards d’euros dans les cinq prochaines années pour développer les énergies renouvelables dans le pays.