une manifestation, le 14 septembre 2012 (Photo : Fethi Belaid) |
[19/09/2012 17:22:20] PARIS (AFP) Les violences dans le monde arabo-musulman depuis la diffusion d’un film islamophobe et la publication par Charlie Hebdo de nouvelles caricatures de Mahomet consternent de nombreux professionnels du tourisme, qui souffrent toujours de l’impact du printemps arabe.
De la Tunisie à l’Afghanistan, en passant par le Liban et le Yémen, les violences liées à la diffusion sur internet d’un film amateur américain anti-islam, titré “L’Innocence des musulmans”, ont fait plus de 30 morts depuis l’attaque du consulat américain à Benghazi en Libye il y a une semaine.
Dans ce contexte tendu, la publication mercredi par l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo de dessins représentant le prophète Mahomet dénudé, qui a amené la France à renforcer la sécurité de ses ambassades, a été mal accueillie par la filière touristique, réunie au salon IFTM-Top Résa à Paris.
“Un film islamophobe, des morts, ces caricatures d’un journal français… Ce n’est pas vraiment ce qu’il nous fallait”, a déploré un responsable d’un grand tour-opérateur européen, interrogé par l’AFP.
“On n’avait pas besoin de ça. Depuis huit jours, ça chute sur tous nos marchés, surtout du côté des Français”, renchérit le directeur des Offices du tourisme égyptiens dans le monde, Amr El Azabi, en visite de promotion à Paris alors que des manifestations violentes ont eu lieu au Caire et que l’Egypte a le plus grand mal à reconquérir les touristes hexagonaux.
L’an dernier, les grands tours opérateurs européens ont vu leur chiffre d’affaires reculer en moyenne de 40% sur l’Egypte et la Tunisie, et de près de 30% sur le Maroc, où un attentat meurtrier avait eu lieu à Marrakech.
Bien des clientèles européennes sont revenues progressivement vers ces destinations en 2012, mais les Français sont de loin les plus frileux. Le salon IFTM-Top Résa est pour les professionnels l’occasion de reprendre des parts de marchés.
“Amalgames”
Or les nouveaux troubles d’aujourd’hui ont “déjà des conséquences sur notre activité”, déplore Nasria Mansour, propriétaire de Golden Gate and Travel Company, qui organise des séjours en Jordanie.
“Même si la Jordanie est un pays calme, les gens font des amalgames. J’ai envoyé la semaine dernière un devis à deux couples, qui finalement laissent tomber leur projet à cause de +ce qui se passe dans la région+”, regrette Mme Mansour, dont la société a déjà beaucoup pâti du printemps arabe, perdant 60% de sa clientèle française en 2011.
En visite à Top Résa, le ministre marocain du Tourisme, Lahcen Haddad, a lui déploré auprès de l’AFP les caricatures de Charlie Hebdo, “assez mesquines” selon lui, mais aussi le film anti-islam et “les réactions violentes qu’il a provoquées”.
Il n’imagine toutefois pas de répercussions sur le tourisme dans son pays, qui a accueilli 9,7 millions de visiteurs l’an dernier dont 35% de Français, et pour lequel il espère “une croissance à double chiffre en 2013”.
Du côté de la Tunisie, les opérateurs interrogés voyaient la situation avec plus d’inquiétude. Le ministre tunisien Elyes Fakhfakh évoquait lui-même lundi “la gestion calamiteuse” par son pays des manifestations anti-américaines qui ont fait quatre morts à Tunis, et le fait que “ça n’aide pas” à promouvoir le tourisme en Tunisie.
Une partie des professionnels interrogés relativisaient toutefois. “Charlie Hebdo n’avait pas besoin de remettre de l’huile sur le feu. Mais on n’est pas inquiets pour la sécurité des touristes”, insistait le patron des tour-opérateurs français (Ceto) René-Marc Chikli.
D’autres, comme Pascal Maigniez qui représente les intérêts économiques de Dubaï, n’imaginaient aucun impact sur leur tourisme de niche: “Le printemps arabe n’avait déjà pas eu de conséquences négatives chez nous. Notre clientèle voit Dubaï comme la Suisse du monde arabe”.