ézignan, dans la région de Corbières (Photo : Pascal Pavani) |
[21/09/2012 08:50:08] ANTUGNAC (Aude) (AFP) Poussés par la crise économique et un taux de chômage de 25%, les Espagnols reviennent en masse offrir leurs bras pour les vendanges en France, comme le faisaient sous l’ère franquiste les vagues de travailleurs pauvres qui franchissaient les Pyrénées pour gagner leur vie.
D’après le syndicat espagnol UGT (Union générale des travailleurs), 14.500 saisonniers participent cette année aux vendanges en France, dont plus de 10.000 venant d’Andalousie.
Daniel, 30 ans, ouvrier du bâtiment originaire de Murcie, dans le sud-est de l’Espagne, peine à y trouver du travail depuis deux ou trois ans. Le 29 août, il a quitté sa femme et sa fille de deux ans, sans date de retour, pour gagner sa vie en France.
“C’est très difficile, mais je devais le faire (…) au moins ici je peux travailler”, dit Daniel, qui ramasse les raisins au domaine de Delmas, à Antugnac.
Mi-septembre, trente saisonniers, dont 20 Espagnols, travaillaient sur l’exploitation de Bernard Delmas, producteur de blanquette et de crémant de Limoux bio. Nombre de ces Espagnols devaient ensuite poursuivre la saison dans le Beaujolais.
Leur circuit a été planifié en Espagne, par Caroline Rivière, 38 ans, de la Société de bienfaisance française de Murcie.
Originaire de Toulouse, elle vit en Espagne et a constaté que, cette année, la crise a pris “une pente plus forte”. Pour elle, les Espagnols “ont faim, ils sont à la rue chez eux, désespérés”.
ézignan, dans la région de Corbières (Photo : Pascal Pavani) |
En contact avec sept exploitants agricoles en France et forte d’environ 300 CV, elle a organisé le départ d’une trentaine de travailleurs vers l’Hexagone, dont 70% pour les vendanges.
Tous investissent beaucoup pour pouvoir travailler. Entre transport et logement, “les quinze premiers jours, ce n’est pas rentable”, explique Daniel.
Malgré cela, la migration des Espagnols vers les vignes françaises explose sur tout le territoire, constate Michel Issaly, président du syndicat des vignerons indépendants.
Le phénomène était courant pendant le franquisme où, d’après les professionnels, des “trains entiers” d’Espagnols pauvres franchissaient la frontière. Mais le flux s’était considérablement ralenti après la mort de Franco en 1975, avec la démocratisation et le développement économique.
Dans le département voisin des Pyrénées-Orientales, entre Corbières et Pyrénées, sur les côteaux vallonnés du Mas Amiel à Maury, le vigneron Jean-Marie Piqué a lui aussi constaté le retour d’une main d’oeuvre qui avait délaissé ses vignes depuis la fin des années 1980.
En fait, l’exploitation n’a jamais autant embauché de travailleurs venus de l’autre côté des Pyrénées, explique-t-il à l’AFP. Les Espagnols arrivent cette année de beaucoup plus loin, alors qu’ils venaient traditionnellement des régions frontalières, comme la Catalogne ou la région de Huesca, remarque-t-il.
Ils sont 36 Espagnols parmi la centaine de travailleurs, pour moitié des étrangers, à s’affairer en contrebas du château cathare de Quéribus pour récolter les grains de grenache noir, syrah, muscat et carignan.
Certains sont venus en famille, à l’instar des Abellan-Garcia, arrivés à une dizaine d’Aguilas, une ville de la région de Murcie. Ils ont entre 17 et 35 ans, sont rémunérés 9,45 euros brut de l’heure, un peu plus que le Smic.
C’est pour eux un “soulagement, car ils en ont vraiment besoin”, souligne leur belle-soeur française, Karine Capela, installée avec eux sous un amandier pour la pause déjeuner.
Pour le viticulteur aussi, la présence des Espagnols est un soulagement. C’est une main d’oeuvre disponible et motivée alors qu’avec d’autres saisonniers comme les jeunes et les marginaux, l’absentéisme est élevé, dit Jean-Marie Piqué.