La fusion BAE-EADS, un projet qui inquiète les Britanniques

photo_1348388643215-1-1.jpg
EADS (Photo : Johannes Eisele)

[23/09/2012 08:25:24] LONDRES (AFP) Les Britanniques s’inquiètent du projet de fusion entre le groupe européen EADS et BAE Systems, une entreprise stratégique qu’ils craignent de voir passer sous domination étrangère avec le risque de remettre en cause les relations privilégiées anglo-américaines dans la défense.

“Voilà ma vision de cette fusion: en l’état, il s’agit plutôt d’une OPA”, souligne à l’AFP Ben Wallace, un député conservateur du nord-ouest de l’Angleterre, où est bien implanté BAE.

Comme d’autres, il s’inquiète de voir passer une entreprise stratégique sous pavillon franco-allemand, avec des risques pour l’emploi mais également la perspective d’une gestion à l’opposé des habitudes britanniques.

Le Royaume-Uni n’est en effet pas actionnaire de BAE Systems et n’intervient pas dans la vie quotidienne de l’entreprise. Le gouvernement se contente d’exercer en cas de besoin une action spécifique destinée à protéger les intérêts nationaux ou à encourager la conclusion de grands contrats d’armement à l’étranger.

“Des interférences de la part des Etats ont causé des problèmes chez EADS et Airbus dans le passé et c’est ce genre d’ingérence qui a empêché EADS de devenir le leader mondial qu’il pourrait être”, estime M. Wallace.

“Le Royaume-Uni ne devrait donner son feu vert à l’opération que si la France et l’Allemagne se défont de leur participation, et laissent l’entreprise agir librement. Sinon, on court le risque d’interférences politiques et également de problèmes avec les concurrents américains”, explique M. Wallace.

Le thème de la relation avec les Etats-Unis est au coeur des inquiétudes des conservateurs, le parti du Premier ministre David Cameron, dont une partie se montre volontiers eurosceptique.

“Je m’inquiète concernant nos échanges d’informations avec les Américains. Nous sommes unis étroitement avec eux sur les sous-marins nucléaires et je les imagine mal se réjouir” d’une menace de dilution des règles de confidentialité anglo-américaine, a ainsi déclaré Lord West, ancien chef d’Etat major de la Marine, dans le quotidien The Times.

photo_1348388688245-1-1.jpg
EADS et BAE Systems (Photo : Christof Stache)

Le ministère de la Défense britannique aurait ainsi posé comme condition à son feu vert au rapprochement l’adoption de garanties pour pérenniser les relations préexistantes dans le domaine de la dissuasion nucléaire, sur laquelle le Royaume-Uni collabore étroitement avec les Etats-Unis.

Les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) britanniques sont équipés de missiles balistiques Trident, fabriqués par l’américain Lockheed Martin.

De même, BAE est fortement impliquée dans le très important programme américain d’avion de combat F-35.

Le groupe britannique est aussi le premier fournisseur étranger du Pentagone et, même si les budgets de la défense déclinent outre-Atlantique, les Britanniques aimeraient conserver cette relation industrielle privilégiée, déclinaison de la “relation spéciale” entre les deux pays sur le plan politique.

Or, la fusion envisagée pourrait compliquer les choses, selon des experts.

“Je ne suis pas certain qu’une entreprise franco-allemande serait autorisée à détenir une filiale comme par exemple celle que possède BAE dans l’électronique de défense” aux Etats-Unis, estime ainsi Richard Aboulafia, analyste du cabinet américain Teal Group.

Quant au nucléaire, le Royaume-Uni pourrait bien “sanctuariser” cette activité, avec des garde-fous garantissant que Français et Allemands n’y aient aucun aucun accès. C’est déjà ce qui se passe pour le missile nucléaire français M51, construit par une filiale d’EADS mais sous supervision exclusivement française.

Mais cela risque de compliquer un peu plus la vie du futur groupe.

“Plus chaque pays cherche à définir ses intérêts stratégiques, moins l’entreprise aura de flexibilité. Or une société doit avoir la liberté de rationaliser ses opérations et de faire circuler la technologie entre ses différentes filiales”, observe M. Aboulafia.