Cinquante ans après la nationalisation des terres agricoles, va-t-on assister à un bras de fer ayant pour finalité la prise de contrôle des biens immobiliers et fonciers étrangers en Tunisie? C’est en tout cas l’objectif que se fixe Majed Boucetta. Cet huissier de justice a récemment créé une association unique en son genre en Tunisie s’appelant l’Association tunisienne pour la défense des droits des occupants de biens étrangers (ATDDOBE) et dont l’objectif est de mener un lobbying auprès des différences instances et organisations nationales (Assemblée Nationale Constituante, gouvernement, Ligue tunisienne de défense des Droits de l’Homme, etc.) pour pousser l’Etat tunisien à nationaliser ces biens, à l’image des terres agricoles qui l’ont été le 12 mai 1962.
Constitué officiellement le 7 juin 2012, l’Association tunisienne pour la défense des droits des occupants de biens étrangers, qui occupe un appartement dans un modeste immeuble de l’avenue Charles de Gaulle, est en train de prendre forme.
En trois mois, elle a déjà pu enrôler 73 adhérents, tous locataires de biens étrangers. «Cent cinquante autres ont pris contact avec nous mais ne se sont pas encore inscrit», précise le vice-président. L’ATDDOBE s’est dotée d’un comité directeur de neuf membres.
«Nous voulons une décision politique souveraine pour mettre fin à cette injustice en transférant la propriété des terres et des biens aux Tunisiens», affirme le président de l’ATDDOBE. Qui n’entend guère, par conséquent, négocier avec les propriétaires étrangers de ces biens «même pour les récupérer gratuitement, car ce serait une compromission avec le colonisateur et une trahison vis-à -vis de la Nation».
La véritable guerre qu’entend mener l’ATDDOBE ne concerne que les biens et terres acquis par des étrangers avant l’accession de la Tunisie en 1956. Car pour le reste, les responsables de cette association n’être en rien hostiles à l’investissement étranger.
L’argument de cette association est que les actes de propriété des biens acquis avant 1956 ayant été décernés par le «Conseil mixte» créé la résident général Paul Cambon en juillet 1885, donc par l’occupant, ils n’ont aucune valeur juridique. Pour les responsables de l’association, «ce qui a été fondé sur un acte illégale et illégal».
Si tous les propriétaires européens sont visés, ce sont les Belges qui sont dans le collimateur de l’ATDDOBE et notamment le groupe Van De Put qui contrôle huit sociétés (Société Belge de Prêts Immobiliers, Société Immobilière Belgo-Tunisienne, Société immobilière canado-belge, Société immobilière de la Gare, Société immobilière belgo-argentine, Société immobilière et financière belge, Union franco-italienne et Société immobilière générale belgo-argentine) qui, d’après cette association, détiendrait près de 80% du parc de biens étrangers, soit près de 130 immeubles dans le Vieux Tunis.
Pour le vice-président de l’association, «l’indépendance de la Tunisie sera incomplète tant que les biens acquis par des étrangers avant 1956 n’auront pas été récupérés. Ahmed Bessioud trouve anormal que des locataires tunisiens «continuent à payer un loyer pour des biens ayant plus d’un siècle d’âge».
Aussi, pour obtenir la «décision politique souveraine» de transférer la propriété des immeubles et terrains acquis par des étrangers avant l’indépendance, l’ATDDOBE entend tout mettre en œuvre pour mobiliser l’opinion publique sur ce dossier pour en faire une affaire nationale.