Comment va réagir le mouvement Ennahdha dans les faits aux propositions faites par le chef de Nidâa Touness le 20 septembre 2012? Tout est possible, reste qu’il ne peut que difficilement ne pas lâcher, du moins en partie, du lest. Le mouvement réussira-t-il à calmer les ardeurs des responsables de Nidâa Touness? Et de bien d’autres qui pensent déjà aux prochaines échéances politiques!
L’intervention très médiatisée de Béji Caïd Essebsi, président du mouvement Nidâa Touness (L’Appel de Tunisie), jeudi 20 septembre 2012, constitue-t-elle une étape importante dans l’évolution de la seconde période de transition démocratique qui a commencé le 23 octobre 2011 avec l’élection d’une ANC (Assemblée Nationale Constituante)? Les tout prochains jours nous le diront.
Toujours est-il que la conférence de presse organisée par ce vieux routier de la politique tunisienne ne peut pour l’heure qu’attirer l’attention tant l’homme est venu avec des propositions pour changer totalement la donne que vit le pays depuis le rendez-vous du 23 octobre 2011. Mettant l’accent sur la situation difficile à laquelle le pays est confronté (insécurité, cherté de la vie, chômage, blocage dans des secteurs clés comme les médias et la magistrature…), il a voulu revoir et corriger tout le parcours du pays depuis ces élections.
Une composante seulement du paysage politique
Son initiative est de bonne guerre. Le propre d’une opposition n’est-il pas d’être une force de proposition? D’apporter en fait autre chose que ce que fait le concurrent?
Mais à voir de plus près, tout le monde ne peut que constater que les propositions de l’ancien Premier ministre de la plus grande partie de la première période de transition qui a suivi la fuite du dictateur Zine El Abidine Ben Ali (mars 2011-janvier 2012) ne peuvent qu’affaiblir «softement» le mouvement Ennahdha.
Ancien diplomate sachant bien manier le verbe, l’ancien Premier ministre a été, à ce niveau, d’une grande clarté: le mouvement Ennahdha constitue une composante du paysage politique avec laquelle il faudra faire et avec laquelle il faudra compter. Comprenez: elle ne constitue pas tout le paysage politique.
Message à décrypter, sans doute, aussi: si le mouvement Ennahdha est devenu important et «dominant», c’est parce que la Troïka s’est largement affaiblie, divisée qu’elle est entre de nombreuses tendances. Or, la Troïka c’est fini.
Cette lecture est accompagnée de propositions, qui semblent, si l’on admet cette «arithmétique», aller de soi: gouvernement resserré et élargi aux autres partis que ceux de la Troïka, nominations de personnalités indépendantes à la tête de ministères de souveraineté (Intérieur, Justice et Affaires étrangères), établissement d’une feuille de route qui doit surtout donner la date de l’organisation des élections générales et remise sur pieds au plus vite de l’ISIE (Instante supérieure indépendante des élections) et établissement d’un programme pour entamer des mesures importantes, notamment économiques.
Faire taire une partie des critiques
Des propositions qui pourraient être comprises du côté d’Ennahdha comme un projet pour affaiblir le mouvement sur l’échiquier politique tunisien, notamment à l’heure où ce dernier se prépare, comme toutes les familles politiques du pays, aux élections générales.
Reste à savoir comment va réagir dans les faits ce mouvement. Il pourrait faire la sourde oreille, entreprendre des manœuvres, engager des mesures plus ou moins urgentes pour venir à bout de difficultés ou de problèmes que traverse le pays afin de taire une partie des critiques ou encore mobiliser ses militants et ses sympathisants.
Tout est possible. Reste qu’il ne peut que difficilement ne pas lâcher, du moins en partie et en apparence, du lest. Dans la mesure où il sait qu’il ne peut, eu égard à la situation difficile par laquelle passe le pays, ne pas donner une «suite favorable», ne serait-ce que toute partielle, aux propositions d’Essebsi. Il pourra accepter, par exemple, la nomination de personnalités indépendantes au gouvernement sans lâcher les ministères de souveraineté. Il pourra encore accélérer la mise en place d’une structure indépendante des élections et hâter le vote d’un nouveau code électoral.
Reste à savoir si tout ce qu’il peut entreprendre ou annoncer avant le 23 octobre 2012 pourra être suffisant pour calmer les ardeurs des responsables de Nidâa Touness. Et de bien d’autres qui pensent déjà aux prochaines échéances politiques!
Wait and see, comme disent les Anglo-saxons!