Une vigne (Photo : Pascal Pavani) |
[24/09/2012 18:05:24] BRUXELLES (AFP) Les vins des châteaux français ont obtenu lundi un sursis, la Commission européenne ayant décidé de reporter sine die une décision sur l’importation dans l’Union européenne de vins américains portant la mention “château”, que la France est pour le moment seule à refuser.
Les experts des 27 pays de l’UE doivent se retrouver mardi à Bruxelles pour un échange de vues sur ce dossier très sensible pour la France, notamment pour les viticulteurs bordelais.
Un vote était prévu. “Finalement, il n’y aura pas de vote mardi et les négociations vont se poursuivre”, a indiqué une source européenne à l’AFP.
Lundi, le ministre français de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a réitéré l’opposition de la France, tout en reconnaissant se trouver “dans une discussion difficile”. Les autres pays européens “ne sont pas pour l’instant avec nous”, a-t-il confié à la presse en marge d’une réunion à Bruxelles avec ses homologues européens.
“La France est particulièrement attachée” à cette dénomination +château+ “qui est notre spécificité dans le cadre de la viticulture, les autres pays le sont beaucoup moins”, a résumé M. Le Foll.
Mi-septembre, la Fédération des grands vins de Bordeaux (FGVB) avait accusé la Commission européenne de vouloir “brader la mention +château+ aux exportateurs américains”, mettant en garde contre “une distorsion de concurrence à l’égard de nos exploitations viticoles et une tromperie pour les consommateurs”.
Paris redoute de voir les grands négociants américains se lancer dans la brèche et commercialiser des vins ne répondant pas aux définitions plus strictes des châteaux français, liés à des terroirs bien spécifiques.
En France, la mention “château” désigne un vin d’appellation d’origine contrôlée issu à 100% de raisins récoltés et vinifiés sur la propriété.
La demande américaine, qui remonte à 2010, porte sur une définition moins restrictive, pour des vins produits par un producteur ou un groupe de producteurs à partir de raisins issus de leurs vignes, ou de vignes “qui ont été traditionnellement exploitées” par ce producteur ou groupe de producteurs.
De plus, la réalité du droit américain est encore plus laxiste et permet par exemple à des vins de n’être produits qu’à base de 75% de raisins d’un terroir donné pour bénéficier d’une appellation d’origine contrôlée, dénonce la FGVB.
Outre la France, l’Italie et le Luxembourg autorisent également la mention “château”, mais cela ne concerne que très peu d’exploitations. Le Chili et le Canada ont déjà négocié ce droit, même s’ils n’en font qu’un usage limité.
Les Etats-Unis avaient déjà obtenu à titre transitoire, entre 2006 et 2009, le droit d’utiliser la mention “château” dans l’UE.
Selon une source diplomatique française, Paris plaide à présent pour que la décision soit inclue dans les négociations plus générales sur un accord de libre échange avec les Etats-Unis, où de nombreux points restent à résoudre comme celui des vins bio, qui ont une définition nettement moins restrictives aux Etats-Unis qu’en Europe.
“A quoi cela sert-il de faire d’emblée des cadeaux aux Américains avant d’avoir négocié le reste avec eux?”, s’interroge-t-on de source française.
Bruxelles fait valoir que les Américains ont déjà fait un pas envers l’UE, en autorisant l’importation des vins européens de cépage avec mention du millésime, ou en restreignant l’utilisation des termes tels que Champagne, Sherry (Xérès) et Porto.
En 2011, l’UE a exporté vers les Etats-Unis pour 2,2 milliards d’euros de vins. Mais l’Europe est aussi une destination intéressante pour les vins du Nouveau Monde. Elle est non seulement premier producteur et consommateur mondial de vins, mais aussi premier importateur mondial.