L’agence de notation Standard and Poor’s (SP) avait annoncé le 23 mai 2012 avoir abaissé de deux crans la note de la dette à long terme de la Tunisie à BB, reléguant ainsi le pays dans la catégorie des emprunteurs spéculatifs. La justification avancée par SP était que «le gouvernement de transition, en place depuis décembre 2011, n’est pas en mesure de redresser suffisamment l’économie». Ce sont là les termes du communiqué.
C’est de cette même agence de notation qu’il s’agit aujourd’hui. SP a procédé, comme elle l’a toujours fait et comme elle le fait pour tous les pays, à l’évaluation du système bancaire tunisien. Cette évaluation aboutit à l’attribution d’une note sur une échelle de 1 à 10 (1 étant le meilleur risque et 10 le risque le plus élevé).
SP a procédé à l’évaluation du système bancaire tunisien sur deux plans.
1- Le risque économique: le système bancaire opère dans une économie, finance cette économie. Il est donc nécessaire d’évaluer le risque que prennent les banques en finançant cette économie. Il est normal que si l’économie va bien, le système bancaire en profite et se renforce. Mais quand l’économie va mal, le secteur bancaire en pâtit et se trouve par conséquent affaibli. Le rapport de SP attribue au secteur bancaire tunisien une note de 8, reflétant ainsi leur opinion que la Tunisie fait face à un «risque très élevé» en termes de résilience (résistance) économique, à un «risque intermédiaire» en termes de déséquilibres économiques» et à «un risque extrêmement élevé» en termes de «risque de crédit dans l’économie».
2- Le risque sectoriel, risque propre au secteur bancaire: en plus du risque économique le secteur à un risque propre au secteur lui-même. Ce risque est la résultante de la supervision du secteur par l’autorité monétaire, de la manière avec laquelle le secteur est géré et enfin de la capacité de l’Etat à soutenir le secteur en cas de difficultés.
Le rapport de SP attribue au secteur bancaire une note de 8, reflétant ainsi leur opinion que le pays fait face à «un risque très élevé» dans «son cadre institutionnel» et en matière de «financement de l’ensemble du système bancaire», et à «un risque élevé» en matière de «dynamiques concurrentielles». Le gouvernement tunisien est considéré comme étant disposé à «soutenir» les banques locales, comme il l’a toujours démontré par le passé en soutenant les grandes banques en cas de besoin. Le rapport souligne cependant que le gouvernement ne dispose que d’une flexibilité financière réduite et d’une capacité limitée pour fournir un soutien extraordinaire aux banques dans le cas d’une crise économique.
Le secteur bancaire est sans doute un des principaux moteurs de la croissance. Une économie mal financée est une économie incapable de créer des emplois, de créer des richesses et de combattre la pauvreté. Les difficultés de notre système bancaire sont le résultat d’une accumulation sur plusieurs années, voire plusieurs décennies. Elles se sont cependant accentuées après le 14 janvier.
Ne cherchons pas à mettre en doute ou à minimiser les conclusions de ce rapport, cela ne sert à rien. Les principaux utilisateurs de ces rapports sont nos partenaires économiques et financiers. Eux, ils y croient. Des banques tunisiennes affaiblies auront beaucoup de mal à traiter avec leurs correspondants (les banques situées dans le pays partenaires de la Tunisie) les opérations commerciales et financières qui concernent la Tunisie. Des banques tunisiennes affaiblies ont par définition une capacité limitée à collecter l’épargne, à financer de manière efficiente l’économie et à investir dans des domaines essentiels qui sont la formation des compétences et la technologie.
Il est donc urgent de:
– redresser notre économie et d’en corriger les fondamentaux afin d’améliorer le «risque économique» du secteur bancaire;
– engager dans les meilleurs délais les réformes profondes que nécessite l’état dans lequel se trouve le système bancaire tunisien afin d’améliorer le «risque système».
Il est vrai que les mesures d’ordre monétaire ne peuvent pas produire leurs effets en l’absence d’un véritable redressement de l’économie, et d’un véritable changement (pour le mieux) de notre attitude vis-à-vis du travail et de l’effort.