Tunisie – Textile et habillement : A quand le déblocage de la création?

modeliste-260912-01.jpgL’ambiance était studieuse et calme dans la grande salle d’atelier au sein du Centre Technique du Textile (CETTEX). Tout le monde travaillait en silence sur leurs croquis et patrons, en préparation du grand jour: le défilé de mode des jeunes créateurs qui sera organisé à l’occasion de la 13ème édition du Salon euro-méditerranéen du textile «Texmed 2012», du 3 au 5 octobre prochain.

Elles sont exactement sept candidates qui ont été sélectionnées pour participer au concours «Jeune créateurs de mode», organisé par le CETTEX, avec le soutien de quelques entreprises du secteur. Ce concours est une première dans le secteur textile en Tunisie. Selon ses organisateurs, il vise à offrir aux jeunes tunisiens l’opportunité de présenter leurs savoir-faire et créativité auprès des professionnels du secteur, présents au salon, et à les aider à s’intégrer dans la vie professionnelle.

Nouvelles techniques…

Meriem Ayadi, nous l’avons trouvé en train de travailler sur son tissu, de le peindre avec des couleurs orientales. Le thème choisi pour le concours est l’Andalousie. «J’aime bien travailler seule sur mon tissu, de jouer avec les couleurs, de créer moi-même la tendance. Je trouve le thème très intéressant et original. Il nous a nécessité beaucoup de recherche mais il nous a permis de développer notre innovation», nous explique-t-elle.

Fraîchement diplômée de l’Institut Art et Métiers de Sfax (2012), Meriem affirme qu’elle a pu apprendre de nouvelles techniques, essentiellement au niveau du modélisme. Dans la plupart du temps, les écoles publiques de formation offrent plus d’heures de cours pour le stylisme que le modélisme. Une lacune qu’on trouve aussi au niveau des entreprises du secteur. Le métier de styliste-modéliste n’est pas assez valorisé et se substitue assez souvent au métier de styliste seulement. Et c’est là où réside la problématique de la création et de l’innovation dans le secteur en Tunisie.

Partis de zéro…

Cela fait déjà un mois que les candidates s’attèlent à ce concours, bénéficiant de l’encadrement technique du CETTEX. Les produits finaux seront transmis d’ici le début du mois d’octobre 2012, juste avant la tenue de Texmed 2012. «Le temps presse. Les candidates font de leur mieux pour finaliser adéquatement leurs produits», nous indique Nabila Ben Romdhane, directrice communication du centre.

L’organisation d’un tel concours n’était pas aussi évidente. «Nous sommes partis de zéro financièrement. Il y avait cette idée qui avait fleuri. Nous avons fait appel aux entreprises et nous n’avons pas été déçus, fort heureusement», lance Samir Haouet, directeur général du centre.

En fait, trois entreprises ont proposé un soutien financier de 10 mille dinars chacune. Deux autres entreprises ont fourni les accessoires et la fourniture nécessaires. Une autre entreprise a offert pour le premier prix une formation et un logiciel gratuit.

Soulignons que trois prix seront décernés aux meilleures créatrices, soit respectivement 7.500 dinars, 5.000 dinars et 2.500 dinars.

Blocage…

modeliste-260912-02.jpgPour Nada Ben Salah, diplômée de l’Institut Supérieur des Métiers de la Mode de Monastir, c’est une nouvelle expérience qui lui a permis d’appliquer ce qu’elle a appris. Avec son diplôme de styliste-modéliste, Nada ambitionne de créer son propre projet, bien que son père dispose d’une usine de textile. «Je veux créer et innover, avoir ma propre emprunte», affirme-t-elle.

Une ambition que partage aussi Khaoula Sellaouti, diplômée de l’Institut de Style et de Design de Mode (ISDM), privé. Elle aussi compte fonder son propre projet, estimant que les entreprises tunisiennes ne développent pas assez le volet création. «On sent un blocage à ce niveau alors que nous, nous voulons bouger, créer, innover, lancer de nouveaux défis», clame-t-elle.

De même pour Nesrine Oueslati, également diplômée de l’ISDM, qui veut produire des pièces uniques et ne pas tomber dans le tout commercial. Mais Khaoula indique que le financement pose toujours problème. «Pour avoir un petit atelier bien équipé, il faut compter au minimum 5 mille dinars. Ce qui n’est aussi évident à récolter».

Ambition réalisée…

Un obstacle que Chirine Amor a pu surmonter, heureusement pour elle, en recourant à l’autofinancement et au soutien familial. Elle a créé, il y a deux mois, sa propre marque; et elle compte lancer son premier produit dans les mois qui viennent dans une grande surface. Elle conçoit seule ses produits, bénéficiant du soutien d’une grande entreprise du secteur qui s’occupe du processus de fabrication.

Chirine a eu un parcours assez particulier par rapport à ses collègues. Elle est passée par trois écoles de formation, soit Esmod, Estymode et le collège Lasalle. Elle a ensuite travaillé pendant une année et demie dans un bureau de style. «Mais je me suis rendu compte que je faisais la même chose, c’est devenu un travail à la chaîne. J’ai décidé de quitter et de lancer mon propre projet», signale-t-elle. Actuellement, elle a déposé une deuxième marque pour des produits de très haute gamme, cette fois-ci. Elle sera lancée en 2013.

En attendant, le défilé des jeunes créateurs semble prometteur. Un événement sur lequel les candidates comptent beaucoup afin de valoriser leur travail mais aussi de se mettre en contact avec les industriels au niveau national ou international. D’ailleurs, les lauréats du concours «Jeunes créateurs de mode» auront la chance de participer au concours «Jeansations» à Monaco, en novembre prochain.