Fraîchement élu à la tête du prestigieux parti de l’Istiqlal, le doyen des partis politiques marocains, Hamid Chabat, le nouveau secrétaire général, pourrait militer pour un autre modèle de développement que celui prôné par le gouvernement, dont l’Istqlal est pourtant membre. Tout le monde sait que les relations entre le nouveau secrétaire général de l’Istiqlal et Abel Illah Benkirane sont loin d’être bonnes.
L’élection de Hamid Chabat, dimanche 23 septembre 2012, en tant que nouveau secrétaire général du parti de l’Istqlal (Indépendance) au Maroc, a focalisé l’attention d’une grande partie de l’opinion publique aussi bien nationale qu’internationale. Et ce pour au moins trois raisons.
D’abord, le parti de l’Istiqlal est le doyen des partis marocains. Créé en 1943 par Ahmed Belafrej, il a été notamment conduit par Allal El Fassi, personnalité exceptionnelle et surtout ardent défenseur de l’indépendance du pays, qui a réussi à suivre les pas du roi Mohamed V (1909-1961) pour arracher l’indépendance de son pays. Allal El Fassi avait toujours demandé le retour d’exil de Madagascar du roi Mohamed V, vénéré par les Marocains, avant d’engager une quelconque négociation avec la puissance occupante française.
Il a battu le propre fils d’Allal El Fessi
Ensuite, ce parti a longtemps été associé à la gestion du pouvoir depuis l’indépendance en 1956. Il est, à ce titre, associé à la gestion du pays depuis les élections législatives du 25 novembre 2011, qui ont donné la victoire, haut la main, aux islamistes du PJD (Parti de la Justice et du Développement) que dirige Abdel Illah Benkirane. L’Istqlal compte six portefeuilles ministériels dont celui de l’Economie et des Finances (dirigé par Nizar Baraka). Ce parti compte 60 sièges à la Chambre des représentants et est à ce titre le deuxième parti du pays après le PJD qui compte, quant à lui, 107 sièges.
Enfin, Hamid Chabat a réussi à battre, dimanche 23 septembre 2012, un adversaire de marque: le propre fils d’Allal El Fessi, en l’occurrence Abdelouahed El Fessi, un cardiologue réputé de la ville de Casablanca (ouest du Maroc), à qui tout a réussi jusqu’ici. Et c’es précisément sur ce terrain que nombre d’observateurs ont suivi de près l’élection de Hamid Chabat. L’homme n’est pas membre d’un certain «Establishment»: ce sont essentiellement de grands bourgeois marocains qui ont dirigé l’Istiqlal. De Ahmed Belfrej (1943-1960) à Abbas El Fessi (1998-2012), en passant par Allal El Fessi (1960-1974) et M’hamed Boucetta (1974-1998).
Car Hamid Chabat est pour ainsi dire, et en reprenant une expression venue d’ailleurs, un politique «normal». Autodidacte (il n’a qu’un diplôme de tourneur), il s’est forgé à la force du poignet. Certains l’ont affublé du sobriquet du «cycliste» pour raconter sa modeste condition par rapport aux leaders de l’Istiqlal. Il a milité depuis son jeune âge dans l’Istiqlal, qui a réussi à accueillir en son sein des femmes et des hommes de toutes catégories sociales.
Chabat déserte la table du dialogue social
Le parcours militant de notre homme lui permettra donc de gravir un à un les échelons. Jusqu’à devenir Maire (en 2003) de la ville de Fès (nord du Maroc), ville religieuse du Royaume, d’où est d’ailleurs issu le grand militant nationaliste Allal El Fessi. Et jusqu’à jeter son escarcelle sur l’UGTM (Union Générale des travailleurs du Maroc), centrale syndicale proche de l’Istiqlal, en 2009.
De nombreux Marocains n’ont pensé, du reste, que du bien de cette élection qui montre l’évolution significative du Royaume depuis le discours du roi Mohamed VI du 9 mars 2011 dans lequel il a annoncé de nouvelles mesures pour démocratiser davantage le paysage politique du pays et qui ont été suivis notamment par l’adoption, le 31 juillet 2011, d’une nouvelle Constitution pour le Royaume consacrant une véritable monarchie constitutionnelle.
Mais maintenant élu à la tête du parti de l’Istaqlal, beaucoup d’observateurs attendent de voir qu’elle politique devra engager Hamid Chabat à l’égard du gouvernement, dont l’Istiqlal est membre. Tout le monde sait que les relations entre le nouveau secrétaire général de l’Istiqlal et Abel Illah Benkirane sont loin d’être bonnes.
Tout le monde se souvient que Hamid Chabat a, en mars 2012, déserté la table du dialogue social, accusant, à l’occasion, le Premier ministre Benkirane de ne pas avoir mis en œuvre les dispositions de l’accord du 26 avril 2011 qui prévoit, entre autres, la hausse du SMIG pour les secteurs de l’industrie, du commerce, des services et de l’agriculture, et l’augmentation du seuil minimum des pensions servies par la Caisse nationale de sécurité sociale de 600 à 1.000 dirhams marocains (entre 110 et 183 dinars tunisiens).
Certains journalistes marocains pensent déjà que Hamid Chabat pourrait mettre sa combattivité légendaire et sa fibre syndicale à défendre un autre modèle de développement que celui prôné par le gouvernement Benkirane. D’autant plus que, comme l’a annoncé, le 24 septembre 2012, notre confrère «Au fait» «Adil Douiri, qui dirige le think thank du parti de l’Istiqlal, avait, en août 2012, dressé un constat réaliste et dramatique de la situation économique du Maroc. Un constat qui ne cesse de se confirmer, Bank Al Maghreb (la Banque centrale du Maroc) ayant annoncé, le 24 septembre 2012, que les avoirs extérieurs ne sont que l’équivalent de 3,5 mois d’importations».