“Aucun débat national sur l’avenir du pays ne peut être viable, en l’absence de l’entreprise, structure de base de l’économie. D’autant que l’UTICA, représentante légitime du patronat tunisien et organisation apolitique, a beaucoup de potentiel, qui est malheureusement occulté”, affirme, Khélil Ghariani, membre du conseil de la centrale patronale. M.Ghariani qui est également, président de la commission sociale de l’UTICA, en charge des négociations sociales, fait le constat dans un entretien avec la TAP, “que la croissance est en panne, ce qui se traduit par des difficultés en matière d’investissement et par conséquence de création d’emplois”. Il évoque, aussi un ” problème d’inflation”.
Cette situation résulte d’un paysage politique dont les contours ne sont pas, selon lui, clairs. “L’Agenda politique n’est pas défini, ce qui a crée l’attentisme chez l’investisseur national et étranger, lequel s’est répercuté négativement sur l’économie”. “Il n’y a pas de clarté dans les mesures, ni dans la politique menée par le gouvernement à court, moyen et long termes. La politique politicienne est privilégiée, au détriment de l’économique et du social, lesquels ne semblent pas être au coeur des préoccupations”.
“Il faut établir une réelle concertation sur les politiques économiques entre toutes les parties prenantes UTICA-UGTT– Gouvernement…et partant susciter la responsabilisation par la participation”. “Nous ne pouvons demander à l’employeur de créer des emplois, de la croissance, d’exporter.., sans l’impliquer dans les consultations sur la réforme économique ni le faire réellement participer au débat national”.
Augmentation en cascade des charges de l’entreprise
Le responsable à l’UTICA évoque “l’augmentation en cascade des charges de l’entreprise ” avec les hausses successives des prix des hydrocarbures et de l’électricité (+ 8% pour les entreprises) outre les demandes d’augmentations salariales. Les secteurs qui rencontrent le plus de difficultés aujourd’hui, sont d’après lui, ceux du cuir et chaussures et du transport. Face à cette situation, l’UTICA demande “la paix sociale, la levée des obstacles administratifs et financiers devant l’entreprise et l’assainissement du secteur bancaire”. Pour M.Ghariani, “il n’y a pas de signal encourageant pour les PME, pour les aider à sortir de la crise. Même s’il y a une volonté déclarée d’assainir l’environnement de l’entreprise, le ministère des finances n’a pas, encore, mis en place, de plan efficace issu d’une concertation, pour la réalisation de cet objectif”.
La centrale patronale prépare un programme de réforme économique “Vision UTICA à l’horizon 2020”, qu’elle va présenter bientôt. Il porte sur tous les grands chantiers : investissement, financement de l’entreprise, protection sociale, exportations, logistique… Ce travail a été réalisé par les structures professionnelles de l’UTICA, avec un apport académique de plusieurs universitaires. Pour M.Ghariani, “le patronat tunisien, c’est une majorité de PME et non des hommes d’affaires véreux”, soulignant l’impératif de ” valoriser l’image des employeurs et des entrepreneurs”. Il appelle pour cela “à accélérer le traitement des dossiers des hommes d’affaires qui sont, au demeurant, des justiciables comme les autres tunisiens, et à les clore pour lever l’interdiction de voyager, frappant plusieurs patrons”. Il déclare “avoir été surpris de voir qu’une même liste des personnes impliquées dans les affaires, englober les Ben Ali, les familles qui leurs sont alliées, notamment les Trabelsi, d’anciens ministres et gouverneurs et quelques hommes d’affaires.”
Les négociations sociales doivent tenir compte de l’inflation et de la croissance
“Le dossier des augmentations salariales est en pleine discussion alors que la croissance est en panne et que l’on enregistre même des décroissances sectorielles”, relève le président de la commission sociale de l’UTICA.
“L’augmentation des salaires doit être négociée par rapport à l’inflation et la croissance de l’activité de l’entreprise. L’UTICA demande, l’ouverture du dossier du pouvoir d’achat, lequel est composé des salaires et des prix, surtout que les augmentations successives des salaires et des prix, créent une spirale inflationniste. L’inflation dépasse même, l’augmentation salariale”.
“Le prix est composé du coût de production, de la marge bénéficiaire de l’entreprise et de la fiscalité (TVA). Or, nous ne maîtrisons pas le coût de production, étant donné qu’il n’y a pas assez d’intégration économique”. Il faut, selon lui, “identifier certaines activités qui peuvent être intégrées pour limiter les importations des matières premières et des composants, dans le textile, l’électrique et électronique, l’agroalimentaire..”.
“Il s’agit d’assurer une plus grande intégration de l’industrie nationale, à travers de grands groupes tunisiens, en encourageant les secteurs à forte valeur ajoutée et intégrables”. C’est en fait, “un nouveau créneau d’investissement, permettant d’accroître l’intégration économique, de créer plus de valeur ajoutée et de se préparer à une convertibilité du dinar qui se traduira de fait, par une dévaluation de la monnaie nationale”.
M.Ghariani, avance “nous sommes prêts à poursuivre les négociations pour rechercher un équilibre entre croissance de l’activité de l’entreprise, inflation et augmentation salariale, car en cas de déséquilibre, les augmentations des salaires peuvent avoir un impact négatif sur la création d’emplois”.
Toujours dans un souci d’équilibre, “il importe d’ouvrir le dossier de la fiscalité pour repenser l’imposition de l’entreprise et des salariés”. L’objectif doit, également, être l’harmonisation des grandes lignes de la politique salariale (entre public et privé), en tenant compte des spécificités des secteurs. Il a, enfin, évoqué la question de la fiabilité des statistiques nationales, rappelant que la centrale patronale avait demandé, dès le 30 octobre 2011, après les élections, aux trois principaux partis élus, ” de garantir l’indépendance de l’INS et de la BCT”.
WMC/TAP