Erdogan a confirmé la hausse de 10 à 15% du prix du gaz, dès le début du mois d’octobre. Même chose pour l’électricité dont le prix pourrait augmenter de 9%. Ces annonces s’ajoutent à l’augmentation de la taxe spéciale à la consommation (ÖTV) qui concerne les produits de luxe, les voitures, l’alcool, le tabac et les produits pétroliers. L’essence conserve ainsi son titre d’essence la plus chère au monde.
Que de similitudes entre la Turquie d’Erdogan et la Tunisie de la Troïka, serions-nous tentés de dire! Alors que la Turquie inspire l’admiration, les gouvernants élus au lendemain des révolutions arabes pourraient être tentés d’en faire un modèle, à commencer par la Tunisie. La Turquie, elle, y met son cap et s’érige déjà en influent partenaire.
Il est important de savoir que les derniers chiffres macroéconomiques (2,9% de croissance sur un an au 2ème trimestre) ont poussé le gouvernement turc à revoir à la baisse ses prévisions pour l’année. Désormais, la pays ne table plus que sur 3% de croissance de son PIB en 2012 contre 8,5% en 2011. Si «les taux de croissance restent les plus élevés d’Europe», il n’en reste pas moins vrai que qua la production industrielle se porte bien et la Turquie enregistre une baisse du chômage. Selon une dépêche de l’AFP, «les exportations continuent de progresser et se sont orientées vers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, contrebalançant, en partie, la baisse des exportations vers l’Europe, le principal partenaire commercial de la Turquie».
En marge du congrès de la FTAV (Fédération Tunisienne des Agences de Voyage) à Istanbul, on apprend que la Tunisie ouvre un bureau de représentation à Istanbul pour promouvoir son tourisme et que la Turquie ouvre un bureau de promotion à Tunis. Reste à savoir à qui cela sera le plus profitable.
Au vu de l’agressivité commerciale et de son activisme diplomatique, on peut, d’ores et déjà, affirmer que la Turquie est déjà en train de concrétiser du business sur la Tunisie. Le volume des échanges réduit à un million de dollars veut être triplé rapidement, et quand on connait leur détermination à atteindre leurs objectifs, il ne fait aucun doute que celui-ci sera vite atteint.
Si pour la Tunisie du tourisme, l’objectif principal est d’attirer les investisseurs et d’atteindre 50.000 touristes turcs, du côté turc on parle déjà de la reprise d’hôtels en difficulté en plus de la vente de la destination sur des pays lointains comme la Chine, la Russie ou les Etats-Unis. Les tours opérateurs turcs, devenus de vrais mastodontes, programment la Tunisie et ils ont d’autant plus besoin pour protéger leurs arrières, notamment avec les menaces qui pèsent sur le tourisme égyptien.
Les destinations de masse du tourisme balnéaire en Méditerranée restent limitées et ce sont ces produits qui sont le nerf de la guerre. La Tunisie répond parfaitement aux attentes de segments de clientèle en besoin de vacances autant que de prix très compétitifs. Une aubaine pour les opérateurs turcs.
Ceci dit, on vise aussi l’agriculture puisque la Turquie va verser un peu plus de 400 M€ à la Tunisie, dont 20% sous forme de don, dans le cadre d’un accord de coopération signé en juillet dernier. Cet accord financera des projets dans les domaines de l’industrie, de l’habitat, de l’agriculture, de la lutte contre la pauvreté et de la promotion des investissements, notamment dans les PME. On apprend aussi que l’Agence turque de coopération internationale ouvrira prochainement un bureau à Tunis.
Dans un voyage en Tunisie datant de décembre 2010, Dhafar Tchagueliane, ministre d’Etat turc en charge du Commerce, avait proposé à la Tunisie de partir avec la Turquie à la conquête de l’Afrique. Le ministre visait à développer la coopération triangulaire en prenant les pays francophones du Sud par le biais de ceux du Nord. Il avait fait escale en Tunisie avant de se rendre au Maroc.
«Nous ne sommes pas venus dans votre pays pour tout juste vendre nos marchandises. Nous sommes là pour offrir notre soutien et encourager les investisseurs turcs qui désirent s’implanter dans votre pays», avait-il déclaré. Le ministre avait alors fait 15 fois le tour du monde et a visité près de 75 pays pour y développer les liens commerciaux durant les premiers 18 mois de sa prise de fonction avec pour seul objectif «vendre la Turquie» en tant que l’un des sites économiques les plus importants et influents en Europe.
Pragmatique, cet ancien homme d’affaires ayant opéré pendant 27 ans dans l’industrie, n’y va pas par 4 chemins. Représentant une large partie de l’esprit entrepreneurial turc, il avouait: «je n’ai pas appris l’économie dans les livres ou par les programmes télévisé… Une voiture qui peut rouler à 300 km/heure ne peut le faire sur une route non balisée, d’où l’importance pour nous en tant que responsables d’éliminer les obstacles qui entravent l’évolution du courant des échanges entre nos deux pays sur les plans réglementaire et procédural…».
C’est désormais chose faite. Reste maintenant à savoir si nos politiques et nos entrepreneurs à qui l’on garde les mains liées depuis près de 18 mois vont suivre la cadence et saisir l’opportunité. Auquel cas, ils resteront une béquille et à la traine d’un monde qui bouge très vite.
Classée 6ème économie européenne, la Turquie offre une opportunité dans le cadre d’un véritable partenariat même si à ce jour, seulement 10 entreprises turques opèrent en Tunisie essentiellement dans le textile, l’agroalimentaire et d’autres activités industrielles.
Par ailleurs, la Turquie a réalisé, au cours des dernières années, plusieurs investissements en Tunisie dont le plus important a été l’aéroport Enfidha. Les investisseurs turcs, affirment avoir rencontré des difficultés dans l’exercice de leurs activités sur le site Tunisie, estiment aujourd’hui qu’il est temps de dissiper les malentendus et de passer à la vitesse supérieure. Les échanges commerciaux entre les deux pays ne dépassent pas le milliard de dollars alors que le commerce extérieur de la Tunisie s’élève à 45 milliards et celui turc à 345 milliards de dollars.