L’UPR (Union populaire républicaine) est un parti qui n’hésite pas à affirmer son attachement aux valeurs de la République, sa fidélité à tous les Tunisiens qui se sont, depuis l’indépendance sacrifiés, pour leur patrie. Pas de déni, mais une reconnaissance de l’héritage culturel du pays, de son empreinte civilisationnelle et son rayonnement depuis l’ère berbère en passant par la glorieuse Carthage et la civilisation arabo-islamique et arrivant à la période initiale de la Tunisie indépendante ». Les adhérents de l’UPR sont des Tunisiens qui ne se reconnaissent pas dans Ennahdha et qui ne veulent pas rejoindre Nida Tounes ou les partis traditionnels.
Comment se positionne ce jeune parti dans le paysage politique tunisien et quels sont ses objectifs à moyen et long termes ?
Réponses de Lotfi Mraihi, fondateur et Secrétaire général de l’UPR.
Lotfi Mraihi : Après nombre de tentatives de rassemblement de partis de toutes tendances, comprenant les nouveaux, ceux nés après le 14 janvier ainsi que des personnalités politiques venues d’horizons différents, indépendantes, gauchistes et destouriennes, nous nous sommes décidés à maintenir le cap sur notre propre parti l’UPR. Nous ne sommes pas pressés et nous considérons qu’un parti a besoin de temps pour grandir, s’imposer et convaincre.
Au lancement du parti, il nous paraissait évident de nous ouvrir à toutes les sensibilités et tendances politiques dès lors que le pays allait passer par la justice transitionnelle suivie d’une réconciliation nationale à partir de laquelle nous pouvions main dans la main construire la nouvelle Tunisie. Finalement c’était un leurre.
Pourquoi pensez-vous que la justice transitionnelle est un leurre ?
Il est évident que c’est un leurre à partir du moment où elle ne signifie pas la même chose pour nous et les décideurs aujourd’hui au pouvoir. Il y aura peut être une justice mais pas tout de suite. Elle sera réalisée dans d’autres conditions et soumises à un autre agenda. La justice transitionnelle a été utilisée en tant qu’outil de marketing politique sans plus. Nous ne voyons pas le sérieux du processus sur le terrain. En Tunisie, il y en a qui ne mesurent pas la gravité du moment et dont les agendas s’inscrivent toujours dans l’immédiat et qui sont en quête d’un bénéfice immédiat.
Ce qui n’est pas le cas de votre parti, L’UPR ?
Effectivement. Nous sommes en train de nous structurer et je pense qu’après les élections, nous serons amenés à jouer un rôle de plus en plus important. Nous sommes d’ores et déjà présents sur l’ensemble du territoire national mais pas de la manière que nous jugeons satisfaisante. Nous sommes encore au stade de représentations et non de représentativité.
Implanter des structures nécessite du temps et c’est ce que les gens doivent comprendre. Un parti se construit dans la durée et ne nait pas de l’engouement du moment car il faut que l’édifice soit solide.
Comment vous positionnez-vous en tant que parti ? Vous êtes du centre ? De la droite ?
Nous sommes des socio-libéraux. Ce n’est pas un parti du centre, c’est un parti pragmatique qui s’adapte à la conjoncture économique. Si nous sommes dans une période de croissance, nous serons plus à droite, si nous sommes dans un contexte de repli économique nous favoriserons le social. Il y aura toujours une composante gauche qui part de notre conviction doit être impliqué et responsable dans le bien être social de nos concitoyens.
C’est l’homme au cœur du développement ?
Absolument! Nous estimons que toute politique économique doit servir l’Homme, il est au centre de tout. Et tout doit être mis en œuvre pour lui assurer une vie convenable. La Tunisie traverse aujourd’hui une conjoncture socio-économique difficile. L’UPR l’a signalé bien avant les élections. Nous avions prévenu les Tunisiens qu’ils seraient amenés à traverser deux années difficiles. D’ailleurs, on ne prévoit de véritable reprise qu’en 2014. Il n y a point de visibilité politique ce qui ne rassure personne.
Pourquoi pareil constat ?
Le peuple tunisien a été poussé à faire un choix qui n’était pas judicieux : celui de la constituante. Nous aurions pu la faire dans des conditions plus stables. Aujourd’hui, on veut réparer l’erreur de la constituante par une autre. Celle d’arrêter la légitimité de l’Etat le 23 octobre. Et là, je tire la sonnette d’alarme. Car ceux qui nous ont amené à faire la première erreur sont en train d’en faire une autre aujourd’hui. Nous avons commis une erreur en encourageant la mise en place d’une constituante, nous devons aujourd’hui l’assumer. Nos priorités sont plus une feuille de route, une date exacte pour les prochaines élections, un échéancier et la remise au travail de l’ISIE. Les Tunisiens ont le droit de savoir où ils vont.
Quelle serait la meilleure alternative pour la Tunisie, s’il y a une levée de légitimité ?
Il n y’aura pas de levée de légitimité. C’est un non sens. La fameuse assemblée de Ben Achour a commis des bourdes innombrables. Elle a été menée par le bout du nez par les comités révolutionnaires. Elle a manqué d’une véritable présidence, elle a souffert de ne pas avoir la bonne personne à sa tête. Aujourd’hui, nous sommes en train de payer pour ses erreurs. Je ne suis pas juriste, mais il est de notoriété publique qu’une assemblée constituante est souveraine et se place au dessus de toutes les lois qui l’on précédées. Aujourd’hui mettre en cause l’engagement qui avait été fait ne rime à rien. Les Tunisiens ont été floués par des forces qui se disent progressistes.
Que pensez-vous de ceux qui accusent Ennahdha de vouloir mettre au pas la justice et les médias ?
Quand on parle de transition démocratique, nous parlons du passage d’un Etat à un autre, donc le point de chute de ce passage ne peut pas être déterminé à l’avance. Il sera atteint en fonction des rapports de forces entre différentes composantes politiques sur le terrain.
Le problème aujourd’hui est la perte de confiance du peuple dans sa classe politique, laquelle faute de construire se livre des querelles illogiques par rapport à la situation du pays et à ses priorités.
Il est tout à fait évident que ceux qui ont le pouvoir mettent toutes les chances de leur coté pour le garder et veulent s’accaparer les médias et mettre la main sur la justice. Il ne faut pas oublier qu’en face dans l’opposition et dans la gauche, on essaye de s’accaparer les médias via des syndicats. C’est légitime, cela fait partie du jeu démocratique.
Comment mobiliser de nouveau le peuple pour qu’il reprenne confiance en ses politiques ?
Actuellement le terrain politique est envahi d’une multitude d’acteurs qui ajoutent à la confusion du peuple pour ce qui est du choix de ceux qui lui paraissent les plus représentatifs et les mieux capables de faire avancer les choses. Nous sommes passés d’un seul parti à plus d’une centaine de composantes. Le problème, c’est que c’est une richesse superficielle et non profonde, nos rapport s’arrêtent aux insultes et jusqu’au rejet de l’autre, celui qui est différent. Il est temps de passer à un discours de propositions. Il faut que les Tunisiens puissent apprécier un autre son de cloche, celui de l’édification du pays via des programmes concrets.
Que pensez-vous de l’exclusion des destouriens qui pourrait faire l’objet d’une loi votée prochainement à la constituante ?
Nous savons tous que les objectifs sont clairs : Cette loi vise en premier lieu à priver Nida Tounes qui ne peut pas trouver des militants autres que destouriens de véritables hommes de terrain. Ces gens là connaissent le terrain et maitrisent le jeu politique. Et ce n’est pas un crime de le faire. Ce sont des Tunisiens et les exclure de manière arbitraire sans cadre juridique est inéquitable, c’est être juge et parti.
Le modèle socio-économique tunisien est arrivé aujourd’hui à son terme. Ceux qu’il a marginalisés se sont retournés vers son antipode qui s’appelle Ennahdha. Aujourd’hui, les Tunisiens doivent comprendre qu’Ennahdha n’est pas un fait religieux mais un fait politique et économique visant la construction d’un nouveau modèle de société. A ce jour, je ne vois aucun parti politique qui ait proposé un nouveau modèle socio-économique autre celui hérité de Bourguiba et laissé par Ben Ali.