Une jeune femme prend un cours de conduite (Photo : Jean-Francois Monier) |
[03/10/2012 10:02:56] PARIS (AFP) La fin de la discrimination tarifaire entre hommes et femmes, qui prendra effet le 21 décembre prochain, va occasionner quelques ajustements de prix mais ne devrait pas bouleverser le secteur, qui a d’autres outils pour continuer à différencier les assurés.
Initialement, l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, rendu le 2 mars 2011, a fait l’effet d’une bombe. En vertu du principe d’équité, il interdisait toute distinction tarifaire basée sur le sexe, avec effet un an et demi plus tard.
Or, une bonne partie des produits d’assurance proposés aux particuliers font l’objet d’une segmentation basée sur ce critère, en premier lieu l’assurance automobile souscrite théoriquement pour les quelque 37,7 millions de véhicules en circulation (chiffre fin 2010).
De sources concordantes, les jeunes conducteurs payent ainsi, en moyenne, 20% à 30% de plus que les jeunes conductrices, car ils provoquent beaucoup plus d’accidents.
“Le but c’est que les jeunes conducteurs et les jeunes conductrices payent la même chose”, résume Jean-Luc de Boissieu, secrétaire général du Groupement des entreprises mutuelles d’assurance (Gema), même si la mesure ne s’appliquera qu’aux nouveaux contrats.
Le cabinet Oxera, mandaté par la fédération allemande de l’assurance (GDV), avait évalué, fin 2011, que la mesure engendrerait une hausse de 9% des cotisations pour les jeunes femmes et une baisse de 7% pour les jeunes hommes.
Dans les faits, certains, notamment la Maïf, ne pratiquaient pas la différenciation tarifaire et ne sont donc pas concernés.
“Pas trop embêter les filles”
Pour les autres, les réponses devraient varier, tous semblant vouloir néanmoins limiter, autant que possible, les variations.
“On va essayer de ne pas trop embêter les filles”, affirme un assureur, sous couvert d’anonymat, “quitte à mettre la main au porte-monnaie” et atténuer le surcoût pour les jeunes conductrices.
Autre mesure à l’étude, la mutualisation et la prise en charge par les autres assurés d’une partie de l’augmentation théorique de la prime, selon cette même source.
“Une jeune conductrice va avoir un impact tarifaire, mais limité par l’utilisation de nombreux autres critères”, explique Matthieu Bébéar, directeur général adjoint d’AXA Particuliers Professionnels.
Concrètement, un assureur dispose déjà d’une multitude de paramètres qui lui permettent de définir quel est le sexe d’un assuré sans utiliser cette donnée.
La puissance du véhicule, sa couleur ou le kilométrage parcouru sont autant d’informations pertinentes pour traiter le critère du sexe grâce à d’autres filtres.
Dès lors, il est nettement dilué dans la définition des tarifs. “Les impacts sur nos produits sont relativement légers car nos offres sont parmi les plus segmentées” du marché, avec une multitude de profils, précise M. Bébéar.
“Je ne pense pas du tout que ce soit une révolution tarifaire”, assure Cyrille Chartier-Kastler, président du cabinet Facts & Figures, pour qui “c’est relativement bidon”.
Si les assureurs relativisent l’effet de la mesure, ils alertent néanmoins sur sa possible extension à d’autres critères afin de réduire au maximum les écarts tarifaires entre catégories.
“L’excès de mutualisation serait, à mon avis, dangereux et contraire à l’intérêt du client”, prévient M. Bébéar. L’impossibilité de tarifer un risque à son juste coût pourrait ainsi inciter des assureurs à refuser certains clients.
D’autres soulignent qu’au nom de l’égalité entre hommes et femmes, la Cour de justice de l’Union européenne pourrait avoir introduit d’autres biais.
“C’est complètement immoral de dire qu’un homme qui se comporte mal au volant va payer moins cher parce que les femmes conduisent plus prudemment”, fait valoir M. Chartier-Kastler.