La coordination entre la politique budgétaire qui relève du gouvernement et la politique monétaire qui est du ressort de la Banque centrale de Tunisie (BCT) a été au centre d’un séminaire organisé mercredi 3 octobre, à Tunis, par l’institut d’émission. Si tous les intervenants à cette rencontre, s’accordent sur l’importance de cette coordination, ils divergent cependant, sur son étendue et les moyens d’y parvenir.
L’un des volets concerne directement, l’indépendance de la Banque centrale, qui a fait objet d’un débat public houleux, à l’occasion de la révocation le 27 juin dernier, de l’ex-gouverneur. La coordination passe selon un document de la BCT, par le concept de «policy-mix» qui désigne notamment, l’ensemble des combinaisons possibles entre politique budgétaire et politique monétaire. Il a pour objectif, la conception d’une stratégie permettant une croissance plus élevée et une inflation faible. Pour le gouverneur de la BCT, Chedly Ayari, une telle coordination constitue une tâche difficile étant donnée que les deux politiques (budgétaire et monétaire) ont des calendriers différents notamment, au niveau de la prise de décisions et de leur mise en œuvre. Il a ajouté que le “policy-mix” conseillé par le Fonds monétaire international (FMI) à la Tunisie, consiste à utiliser la demande afin de stimuler la croissance et « à compenser par une politique monétaire pro-cyclique» (qui s’adapte à la conjoncture économique).
Concernant la situation économique dans le pays, M. Ayari a précisé que pour la 1ère fois depuis son indépendance, la Tunisie n’a pas de vision économique à moyen terme. «Nous naviguons à vue», a-t-il dit.
Depuis la révolution, “les premiers gouvernements de transition ont opté pour un schéma de croissance qui se voulait au départ une rupture avec le modèle précédent et une préparation pour un nouveau modèle de développement”. Mais « l’année dernière, a été une année décevante», a-t-il noté. Les résultats du 1er semestre 2012, témoignent que la Tunisie a entamé une remontée qui « est certes difficile » mais le plus important qu’elle soit «irréversible» et ne se limite pas à une simple éclaircie. Le gouverneur a toutefois, refusé de parler de «reprise», évoquant notamment, certains facteurs d’inquiétude à l’instar du déficit budgétaire, de l’inflation, de la baisse des avoirs en devises et de la détérioration de la situation bancaire outre la crise de la zone euro.
Dans son intervention, le représentant de l’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (ITCEQ), Zouhair El Khadhi, a rappelé que la Tunisie a poursuivi durant les dix dernières années une politique de consolidation budgétaire afin de réduire son déficit budgétaire qui est passé de 6% à 3% du PIB, entre 1990 et 2010. Durant cette période, la BCT a également réussi à maîtriser l’inflation. L’objectif étant d’être « l’élève modèle» du FMI. Les gouvernements de transition successifs ont, de leur coté, opté pour des politiques budgétaires expansionnistes, a-t-il relevé, précisant que le pays est appelé à veiller tout aussi bien à la cohérence de ses politiques monétaire et budgétaire qu’à leur transparence.
Abderrazek Zouari, universitaire et ex-ministre du Développement régional dans le 2ème gouvernement de transition, a tenu à préciser que le débat sur la coordination des politiques monétaires et budgétaire et l’indépendance de la BCT n’était pas possible avant la révolution. Il estimé que la politique monétaire était conçue comme étant une politique accommodante par rapport à la politique budgétaire.
Le débat sur cette question souffre, d’après lui, de deux défauts, notamment l’accent mis sur la politique monétaire au détriment de la politique budgétaire et l’inflation dans le pays qui n’est pas d’origine monétaire, selon son appréciation. Il a ajouté que l’indépendance de la BCT doit être conçue davantage en termes d’utilisation d’instruments qu’en termes de choix.
Pour M. Zouari, le ministère des Finances et la BCT doivent se mettre d’accord sur un taux de déficit public soutenable, estimant que la Tunisie ne peut pas faire l’économie d’une réforme de sa politique budgétaire notamment le volet relatif aux transferts sociaux.
WMC/TAP