Le parti Nouvelle République produit des éléments pour prendre le tempo du pays. En captant l’expression «live» d’un échantillon de Tunisiens, on peut reproduire «l’opinion publique». Le jeu vaut la chandelle. Le déroulement du sondage, la veille de l’anniversaire du “Pacte du 15 septembre 2011”, donne du relief à la physionomie politique nationale. Une année après, le pays est encore dans l’expectative. On le voit hélas divisé. Toutefois, la technique du sondage nous sort du cadre politique pour faire un switch méthodique vers l’approche marketing. Instructif, malgré tout!
Nouvelle République, Nou-R, il faut le lui reconnaître, a le mérite de refuser de «bricoler». Ce parti, promu par des «quadras» issus de grandes écoles, se sert de méthodes modernes de faire de la politique. Chaque fois que Nou-R ouvre le débat, ses membres produisent les éléments techniques édifiants, crédibles, peu contestables. Ils refusent de s’inscrire dans l’idéologique ou l’approximatif. C’est déjà un choix méthodologique qui leur procure un préjugé favorable. Ils veulent juger sur pièces. Souvent, ils présentent des sondages ou des enquêtes sur terrain, généralement bien ficelés et conduits avec professionnalisme. Ils ont l’amitié d’associer la presse à leurs meetings avec droit d’intervention, et c’est tout à leur honneur. C’était encore le cas mercredi 26 septembre à l’occasion de la publication du dernier sondage national.
Que demande le bon peuple?
Le panachage des compétences
Cette fois les sondages ont été conduits avec de grands soucis de méthodologie. On le voit dans la composition de l’équipe. Un matching entre universitaires, chercheurs et experts. Ils sont jeunes, compétents et expérimentés. Ajouter que cette Task force ne manquait pas de genre. Les dames sont nombreuses. Ni même de charme, car les membres ne manquent pas d’esprit avec de l’à propos et de la répartie. Ils sont engagés, sincères enthousiastes et peut-être même bénévoles, qui sait. L’équipe était là au grand complet et on a pu constater qu’ils travaillaient en intelligence.
La méthodologie à présent. Des soucis particuliers pour faire refléter la moyenne d’âge nationale qui va surprendre plus d’un, 29 ans! Le message subliminal est que le pays a son avenir devant lui. Ce qui n’est pas rien. Donc, un soin particulier à faire que les jeunes s’expriment à hauteur de leur densité démographique. Et, citoyenne. L’égalité des chances. Tous auront voix au chapitre. Les jeunes de la Marsa et ceux d’un hameau de la périphérie du Kef. Le panachage du chic et du choc, pour biaiser les disparités régionales.
La Tunisie qui a sa place au soleil et les régions de l’ombre. La ville et le pays profond.
Le bon peuple: ses soucis, ses incohérences ses frustrations.
La presse nationale s’est fait l’échos de ces sondages. On a donc découvert que les Tunisiens, à 75%, considèrent que le gouvernement ne va pas dans le sens qu’ils souhaitent. On découvre, également, qu’ils sont divisés, en deux blocs de près de 45% sur l’appréciation du rendement de l’appareil sécuritaire, et qu’ils sont braqués sur le chômage (96%), la corruption (92%), le coût de la vie (90%), les problèmes économiques (89%) et le logement (73%).
Faut-il penser que les Tunisiens mettent la pyramide de Maslo tête à l’envers? Pas vraiment. Ils ont déclenché une révolution parce que l’ordre économique s’est mis en panne, grippant l’ascenseur social, décalant l’enseignement universitaire, amenuisant la productivité, réduisant par là l’éventail de la distriubtion des richesses. Le bon peuple est frustré et il le dit. Il est vrai qu’avide de richesses matérielles il semble négliger la question fondamentale des libertés dont celle de la presse qui ne l’intéresse qu’à hauteur de 41% et que le statut de la femme est au neuvième rang de ses soucis avec seulement 22%.
Pourquoi cette fixation matérialiste?
Les sondages: portée et limites
Les sondages donnent du grain à moudre pour la classe politique. elle ne saurait constituer une substance politique. Cela sert à aider une réflexion. Ils peuvent constituer un descriptif mais ne sont pas un travail d’exploration. Un sondage, c’est un «instantané», une sorte de photo de groupe où il est d’usage que tout le monde, sans avoir forcément envie de rire à ce moment précis, fait «cheese» pour donner une idée d’harmonie de façade. Un exemple d’incompativbilité des résultats statistiques.
Près de 96% des Tunisiens sont inquiets du chômage et ils sont 43% à être inquiets de la sécurité. Or il est établi que sans sécurité il n’y a pas de retour de confiance, donc pas d’investissement, ce qui retarde le soulagement du marché de l’emploi. Cela dit, l’initiative de Nou-R dicte une nouvelle façon de faire. Elle fait faire au débat national un saut de qualité. En soi c’est déjà un fier service que l’on rend au pays.