«Je ne suis pas satisfait de mon gouvernement parce qu’il n’a pas apprécié comme il se doit les enjeux de la situation. Je passe le plus clair de mon temps à travailler sur les moyens d’y remédier», a déclaré, vendredi 5 octobre, sur les ondes de Radio Express Fm, Hamadi Jebali, chef du gouvernement. Apparemment très affecté par les dommages collatéraux des récents évènements (assaut mené contre l’ambassade des Etats-Unis à Tunis, l’affaire de la jeune femme violée par la police et accusée par la justice, naufrage de l’embarcation de la mort sur les côtes de l’île de Lampedusa…), Hamadi Jebali n’a pas cherché à aucun moment à être agréable ou à séduire ses auditeurs. Il s’est montré, au cours de cette interview improvisée de plus d’une heure et demie, plus déterminé que jamais et surtout décidé à prendre les décisions qui s’imposent.
S’agissant de l’échéance du 23 octobre, Hamadi Jebali s’est dit très serein et très confiant quant à la possibilité d’une solution consensuelle. Il a indiqué à ce propos que cette échéance constitue «une précieuse occasion pour accélérer le processus démocratique, redynamiser le consensus national et fixer un échéancier précis des prochains rendez-vous politiques».
Il a lancé un appel à l’Assemblée nationale constituante (ANC) pour qu’elle s’en charge, dans les meilleurs délais. Et d’ajouter: «si nous tombons d’accord sur cet échéancier et au cas où cet échéancier n’est pas respecté, je prendrai, en ce qui me concerne, les décisions nécessaires», a-t-il-dit avec grande fermeté sans préciser, toutefois, si de telles décisions seront prises en sa qualité de chef de gouvernement ou à titre personnel.
Moralité: Hamadi Jebali est pour une légalité consensuelle. Dans cette perspective, contrairement aux autres dirigeants de la Troïka, il n’a pas exclu du débat le parti Nidaa Tounes. Pour Jebali, en sa qualité de président du gouvernement, ce parti est reconnu légalement et il est de son devoir de composer avec ce mouvement politique.
Décision imminente sur le dossier des hommes d’affaires…
Autre dossier délicat, la levée d’interdiction de voyage dont font l’objet des hommes d’affaires. Pour Jebali, une décision sera prise incessamment au plus tard dans deux semaines au profit des hommes d’affaires interdits de voyage qui n’ont rien à se reprocher devant la justice. «Nous avons décidé de clore ce dossier, vaille que vaille», a-t-il martelé.
Concernant la problématique des salafistes, Hamadi Jebali a été très clair. Pour lui, les salafistes doivent déterminer, par eux-mêmes, leur propre destinée en Tunisie et soumettre «leurs idées et produits» en toute légalité aux Tunisiens, mais il n’est pas question, selon lui, qu’ils imposent leur vision des choses par la violence. «La loi sera, dorénavant, strictement appliquée et tout viol de la loi sera désormais sanctionné», a-il-soutenu.
A propos des 700 photos d’agresseurs de l’ambassade américaine que les américains viennent de lui remettre, Hamadi Jebali a affirmé que son gouvernement en tiendra compte.
Valeur travail…
Deux autres nouveautés ont été révélées, au cours de cette interview. La première concerne l’emploi. Le Premier ministre a révélé que le gouvernement est déterminé à lutter contre le chômage déguisé, à réduire graduellement les primes accordées, jusque-là, sans discernement, et à créer des emplois dans tout le pays, précisant que les postulants à un emploi doivent faire l’effort d’aller là où le travail existe et cesser de demander des “emplois sur mesure“ à ceux qui le demandent. Il a insisté sur l’enjeu pour le pays de restituer à la valeur du travail sa sacralité et sa noblesse.
La deuxième est d’ordre économique. Hamadi Jebali a annoncé que le gouvernement a décidé d’interdire, provisoirement, l’importation de produits de luxe et des biens de consommation inutiles (décision déjà entrée en vigueur) et que seules les importations des biens d’équipement et des matières premières seront encouragées, en priorité, précisant que ces mesures conjoncturelles ne sont pas de nature protectionniste.
Coopération Tunisie-UE et Tunisie-USA
Par delà cette insatisfaction du rendement du gouvernement et de cette détermination à prendre les décisions en main, Hamadi Jebali s’est montré confiant.
Il s’est dit particulièrement satisfait des assurances que lui ont fournies les deux principaux partenaires de la Tunisie, en l’occurrence l’Union européenne et les Etats-Unis. Il a mis l’accent sur leur vision stratégique de la transition démocratique en Tunisie que les Européens et Américains qualifient d’exemple unique à protéger en dépit des accidents de parcours, une vision qui semble manquer à l’opposition tunisienne, semble insinuer le Premier ministre.
En ce qui concerne les Européens, Jebali, qui vient d’effectuer une visite de travail à Bruxelles, a relevé que ces derniers, en fins stratèges, ont une approche fort positive de l’avenir de la Tunisie, en ce sens, ils ont décidé d’apporter un appui multidimensionnel significatif à la Tunisie et de lui octroyer le statut avancé, dénommé pour le cas de la Tunisie «Statut privilégié». Pour mémoire ce statut sera signé au plus tard mi-décembre 2012.
Viennent ensuite les rapports tuniso-américains après l’assaut contre l’ambassade des Etats-Unis à Tunis. Hamadi Jebali s’est montré rassurant et a soutenu, à propos des garanties fournies par les Américains pour les sorties de la Tunisie sur les marchés financiers internationaux privés, qu’elles sont toujours en vigueur. «Nous honorons nos engagements et ils honorent les leurs», a-t-il-précisé.