«L’endettement des hôteliers plombe la progression du secteur». C’est une phrase d’Elyes Fakhfakh, ministre du Tourisme et qui tombe comme un couperet qui scelle la cassure entre les professionnels et la nouvelle gouvernance au bout de 10 mois de tentatives de communication et surtout de beaucoup d’incompréhensions. Dans un contexte marqué par une situation politique et économique difficile, c’est le secteur du tourisme qui agonise et non celui de l’hôtellerie uniquement. Mais bien évidement pas pour les mêmes raisons!
Pour Mehdi Allani, hôtelier et vice-président de l’Association MICE Tunisie (interview à venir) ce qui plombe le secteur, c’est «le manque de visibilité et de stratégie, la saleté dans nos rues et aux abords des établissements hôteliers, les agressions des touristes, le manque d’animation et de loisirs, le frein de l’Open Sky, le manque d’infrastructures pour valoriser le patrimoine culturel du pays, la promotion défaillante, la médiocrité des contrôles de qualité dans les établissements, l’artisanat local qui se meurt, le made in china qui sévit…».
L’exaspération du professionnel résume les défis qui doivent être levés afin que le tourisme tunisien sorte du marasme dans lequel il se trouve et plonge encore plus depuis la révolution.
Pour cela, il est vital que la vision prônée par le ministère du Tourisme change. C’est cette vision archaïque qui consiste à croire que l’hôtellerie fait le tourisme qui doit changer. L’hôtellerie n’est qu’un produit. Et au lieu d’être un problème, il faudra œuvrer à ce qu’il soit une partie des solutions.
De son côté, Mohamed Belajouza, président de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH), «s’inquiète pour l’avenir du secteur, tant le dialogue semble totalement rompu entre le ministre du Tourisme et les professionnels». Dans la toute dernière livraison du magazine «Le Tourisme», il déclare: «Un ministre est censé développer et défendre son secteur. Nous constatons que l’actuel responsable du portefeuille du Tourisme n’a cessé, depuis son arrivée, de dire du mal de ses entreprises et de ses professionnels».
En ces temps houleux, ce ne sont pas les tensions qui manquent. Celles-ci sont donc incontestables entre les professionnels et le ministère mais aussi entre l’Office national du tourisme tunisien (ONTT) et le ministère. Une tension que résume Belajouza en disant: «Je me demande si, avec les 4 millions de touristes européens que nous recevons annuellement, nous avons vraiment besoin, en plus de l’Office du tourisme qui compte quelque 1.300 personnes, d’un ministère comptant une quarantaine de personnes… Il faut aussi préciser qu’en l’absence d’une clarification des rôles du ministère et de l’Office, on assiste souvent à des tensions entre les deux structures dont nous sommes généralement les premières victimes».
Certains pays comme l’Angleterre n’ont plus de ministère du Tourisme. En France, première destination touristique au monde, seul un secrétariat d’Etat veille sur le tourisme. En Turquie, le ministre chapote le tourisme et la culture.
Mais pour en revenir à la question de l’endettement du secteur de l’hôtellerie, les dents grincent et les humeurs sont vraiment grincheuses. D’abord, résister à deux années de vache maigre relève du miracle. Ensuite, les petites phrases qui tuent ne servent ni à faire avancer les dossiers ni à assainir les relations tendues depuis des années.
L’héritage est lourd et s’alourdit davantage au rythme du manque de concertation dans l’actuelle gouvernance en cette phase de transition. De la phase d’accumulation de ces dernières années, le tourisme tunisien doit gérer son présent en s’interrogeant sur son avenir. Il nécessite de faire pousser les lignes en termes de visions et de stratégies. Le temps du chacun pour soi est fini!
Que ceux qui déplorent, commentent ou reprochent le manque de représentativité, d’efficacité de la Fédération de l’hôtellerie ou de l’administration, que l’on argumente que l’ancien système a voulu tenir le secteur sous perfusion, cela ne fait plus avancer les choses.
Si beaucoup se demandent ce que vient faire le ministère du Tourisme dans le dossier de l’endettement puisque celui-ci ne concerne que les hôteliers et les banques créancières, d’autres font porter une partie des responsabilités de leurs échecs à l’Etat.
Au lendemain du 14 Janvier 2011, une commission s’est chargée de la énième étude de ce dossier (1.200 millions de dinars d’endettement) et les solutions sont encore en train de traîner dans les tiroirs attendant probablement le moment opportun qui tarde à venir.
Les diagnostics sont faits et les solutions sont connues de tous. Le temps est à l’action et plus aux guerres intestines. Il y va de l’avenir du secteur et de la crédibilité d’une destination. Le tourisme n’est pas un faire-valoir ni un «tremplin» politique.