La
poste ne peut se suffire de jouer uniquement le rôle d’un prestataire de
«service universel». De mon point de vue, elle a un rôle crucial à jouer dans le
processus d’inclusion sociale et financière, en particulier en cette période de
transition que connaît la Tunisie. La Poste doit être un vecteur du changement
et un acteur actif dans la dynamique de la croissance inclusive.
Ma conviction est qu’elle a les moyens de le faire même si je dois reconnaître
que c’est un processus complexe faisant intervenir plusieurs parties prenantes,
en premier lieu l’Etat.
Il est aisé d’admettre que tracer les contours de la stratégie postale est une
question économique, somme toute techniquement soluble, mais il convient de
garder toujours présent à l’esprit l’existence d’une multitude de contraintes
(réglementaire, sociale…) qui constituent des facteurs de blocage pour la mise
en œuvre d’une stratégie axée sur l’efficacité et la rentabilité.
A mon sens, les mesures à prendre par ordre de priorités (même si certaines sont
concomitantes) concernent quatre points essentiels.
Premièrement, la révision de l’organisation : la
Poste tunisienne se caractérise
par une dispersion de ses structures. Il serait judicieux de procéder à certains
regroupements de fonctions ayant des caractéristiques similaires. L’organisation
actuelle n’est pas, en effet, fondée sur les économies d’échelle qui sont source
de gains de productivité et de baisse des coûts. Il est temps de réviser
l’organigramme de la Poste en fonction des évolutions futures du monde postal et
des défis concurrentiels auxquels la Poste pourrait éventuellement faire face.
La réorganisation devrait accorder une attention particulière au capital humain
(recrutement, formation, incitations…), au développement de ses capacités ainsi
qu’à la gestion du capital physique de la Poste (infrastructure…).
Il est troublant de constater qu’une institution de l’envergure de la Poste
tunisienne ne dispose pas d’une structure dédiée spécialement à la
Recherche-Développement, structure capable de mener des études économiques
postales, de procéder à des analyses basées sur des techniques statistiques
avancées…
En fait, le mode de gouvernance est à repenser dans l’élaboration de
l’organigramme que nous aurons à instaurer avec la participation et la
concertation de tous, notamment des structures régionales et locales, plus
proches des préoccupations de nos citoyens.
Deuxièmement, la mise en œuvre d’une politique commerciale axée sur le client:
c’est une dimension très importante pour le devenir de la
Poste. J’accorde
personnellement beaucoup d’attention à cet aspect. Il faut avoir le courage de
reconnaître que certains de nos produits sont en phase de déclin et que leur
maintien est économiquement irrationnel. Nous devons donc identifier le profil
de nos clients pour adapter rapidement l’offre de nos produits à la demande.
Cette réactivité est possible en dynamisant les structures de veille, en les
renforçant par les compétences dont la poste ne manque pas.
La Poste, à travers sa structure commerciale et en misant sur son savoir-faire
technique, pourrait aussi jouer un rôle majeur dans le développement du commerce
électronique qui constitue un axe stratégique de taille.
Troisièmement, l’optimisation du réseau postal: vous savez que la
Poste
tunisienne compte un peu plus de mille bureaux (1.042 exactement) dont la moitié
est implantée en milieu rural. Cette proximité du citoyen pour assurer les
services postaux de base est coûteuse et explique en partie le nécessaire
recours à la subvention étatique. La pérennité de ce service exige, à terme, une
révision des tarifs. Cette solution, théoriquement envisageable, ne relève pas
de la Poste mais d’une négociation avec l’Etat. On peut multiplier les exemples
de ce type où des décisions bénéfiques à la Poste ne relèvent malheureusement
pas de ses seules compétences.
Quatrièmement, le partenariat public-privé et l’ouverture à l’international sont
incontournables. La poste a réalisé à ce niveau de grandes avancées qui ont été
renforcées au cours des derniers mois. Il est temps et souhaitable aujourd’hui
qu’une convention bilatérale de collaboration entre la Poste tunisienne et un ou
plusieurs organismes homologues de l’Union européenne ainsi que leurs
partenaires privés soit établie. Le mécanisme de jumelage est à cet égard tout
indiqué.
Ces axes n’épuisent évidemment pas notre réflexion en la matière, et nous sommes
ouverts aux expériences internationales, aux cas de réussite…
La bancarisation de la Poste
C’est une question récurrente. Beaucoup de nos clients s’interrogent sur la
possibilité de leur octroyer des crédits. Mais aussi paradoxal que cela puisse
paraître, la Poste collecte l’épargne au profit de l’Etat. Nous ne pouvons, dans
le contexte de la réglementation actuelle, le faire. Il y a cependant une
possibilité de favoriser «l’inclusion financière» par le biais de la Poste. Je
ne parle pas des produits financiers que la Poste met à la disposition des
non-bancarisés. Je fais plutôt allusion à la possibilité, qui m’est offerte par
les textes, de créer une société de micro-finance.
Dans le contrat-programme 2012-2014, nous proposons justement cette piste pour
accorder des micro-crédits aux exclus du système bancaire. Nous avons mené une
étude qui identifie ces exclus. Les résultats de cette étude ont été exposés à
plusieurs occasions (nationales et internationales).
Nous comptons beaucoup sur le gouvernement pour nous donner le feu vert et
entamer cette action stratégique.
Permettez-moi d’insister sur le fait que la société que nous comptons créer
n’est pas uns banque de plus qui viendrait s’ajouter au paysage financier
tunisien et qui pourrait être vue comme une banque de trop, ou encore une banque
qui viendrait concurrencer les banques existantes. Bien au contraire, nous
pensons apporter un appui à ces institutions en ce sens que les inclus par la
Poste, en atteignant une certaine taille, pourraient alors rejoindre le circuit
bancaire dit “normal“.
La Poste tunisienne dispose de plusieurs atouts (humain, physique, capillarité
du réseau…) pour mener à bien ce rôle d’intermédiaire, pourvoyeur de fonds.
Stabilité sociale au sein de la Poste tunisienne
C’est une condition nécessaire pour la promotion de la
Poste. Les conditions de
travail des postiers (agents de guichet, facteurs…) sont des plus difficiles,
surtout par ces temps qui courent. Je suis conscient des sacrifices qu’ils
(elles) font et de la pression qui pèse sur eux (elles). Mais nous sommes tenus
d’assurer un service public, et le citoyen admet difficilement les arrêts de
travail, dont je reconnais la légalité par ailleurs. Mais la légalité est une
chose et la légitimité en est une autre.
Je n’ai pas à étaler ce que nous avons réalisé ensemble (administration et
syndicats). Les réalisations et les réalisations en cours sont là pour
l’attester. Nous avons publié sur notre site internet (www.poste.tn) un
communiqué explicatif. La crédibilité de l’administration ne peut être mise en
doute eu égard les engagements pris.
De mon point de vue, je crois en la participation mais aussi en la
responsabilisation. J’ai confiance en les postiers, en leur sens du devoir…
Malgré les difficultés par lesquelles nous passons, j’estime que nous avons,
avec nos partenaires sociaux, les moyens de faire progresser la Poste. Nous
avons, dans le contexte actuel, une responsabilité historique. Se dérober ou
jouer l’opportunisme n’est pas, à terme, payant.