un drapeau britannique (Photo : Christof Stache) |
[12/10/2012 18:03:00] PARIS (AFP) Ce devait être une fusion sans précédent, la consolidation des leaders européens de l’aéronautique et de la défense pour créer un géant d’envergure mondiale, mais l’ambitieux projet d’EADS et BAE Systems s’est perdu cette semaine dans les sables de la politique.
Pour les équipes de la maison mère d’Airbus et du fabricant d’armes britannique, qui travaillaient dans l’enthousiasme depuis des mois sur l’opération Hawthorne (Aubépine), le rêve s’est arrêté mercredi.
Les deux groupes renonçaient à poursuivre leurs discussions: les intérêts de la France, de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne, sans qui la fusion n’aurait pas lieu, ne pouvaient pas être conciliés.
Londres détient un action préférentielle dans BAE Systems, dont il voulait préserver les relations privilégiées avec le Pentagone, en limitant le poids des Etats au capital de la nouvelle structure.
Paris possède 15% de parts d’EADS, qui seraient devenues 9% dans l’entreprise combinée. L’Allemagne avait déjà prévu de racheter 7,5% des actions au constructeur automobile Daimler et insistait pour monter au même niveau que la France.
Un compromis avait été trouvé mais en fin de compte, il est apparu que Berlin ne voulait pas de ce projet, où les usines allemandes, qui produisent notamment l’avion de combat Eurofighter, auraient été marginalisées par BAE.
L’Allemagne n’a jamais motivé son refus, soulignent les conseillers d’EADS.
Elle a réclamé tantôt le siège d’EADS, que son chef Tom Enders venait de décider d’installer en France, à Toulouse, tantôt les quartiers généraux de l’une ou l’autre division du groupe, “autant de mauvaises excuses”.
“Nous n’avions jamais imaginé faire face à une telle opposition contre l’accord, en particulier pas à Berlin”, a reconnu Tom Enders.
Pourtant, dès que le projet –né au printemps et auquel les trois gouvernements avaient donné un accord de principe en juillet– a été dévoilé dans la presse le 12 septembre, les mauvais augures sont venus de Berlin.
“Il est douteux que le projet puisse susciter un accord”, affirmait deux jours plus tard une source gouvernementale allemande à l’agence DPA.
Revoir le pacte d’actionnaires
La France, avec plus de prudence que d’enthousiasme, faisant alors savoir qu’elle entendait coordonner sa position avec l’Allemagne, elle laissait le champ libre aux obstructions de Berlin, regrette une source proche du dossier.
Un vieil ennemi de Tom Enders, le coordinateur du gouvernement allemand pour l’aéronautique Peter Hintze, menait campagne contre le projet en attisant les craintes de pertes d’emplois. EADS expliquait au contraire qu’il espérait en s’alliant avec BAE Systems gagner de nouveaux marchés.
Mais, selon un observateur berlinois, le projet suscitait peu d’intérêt auprès de la chancelière Angela Merkel.
“Nous avons une politique pour l’industrie automobile mais pas pour l’industrie de la défense, le gouvernement ne s’en soucie pas”, explique Christian Moelling, expert au think-tank Stiftung für Wissenschaft und Politik.
Quelles qu’en soient les raisons, l’Allemagne devra vivre avec les conséquences industrielles et diplomatiques de son refus.
EADS ne se sentira plus lié par ses promesses de maintenir l’emploi dans son activité militaire, redoute déjà la presse allemande.
Puisque Berlin est décidé à monter au capital d’EADS, “il va falloir rediscuter le pacte d’actionnaires”, note une source gouvernementale française. “On veut bien rediscuter mais si ce sont eux qui ont des attentes, il faut qu’on y trouve aussi notre intérêt”.
Pour Tom Enders, la fusion était justement aussi l’occasion de faire sauter ce pacte d’actionnaires qui pèse sur la stratégie de l’entreprise.
Peut-être que s’il ne s’était pas cassé les coudes dans un accident de parapente à la fin août, ratant l’occasion de plaider sa cause en accompagnant Mme Merkel à Pékin, l’issue aurait été différente, songe-t-on chez EADS.