On
peut dire, sans trop d’optimisme, que le compte à rebours pour la mise en œuvre
de l’Initiative de l’UGTT a bien commencé au vu de la déclaration du président
du gouvernement, Hamadi Jebali, et celle du président du mouvement Ennahdha,
Rached Ghannouchi, la semaine dernière… Il faut rappeler que cette initiative,
lancée par la Centrale Syndicale à la fin du mois de mai dernier, n’avait pas
beaucoup plu à Ennahdha sur le coup, et bien qu’officiellement le parti
majoritaire n’ait pas refusé l’Initiative, il a sciemment temporisé son adhésion
afin de gagner du temps et de ne pas laisser à l’UGTT l’honneur d’une aussi
importante initiative politique.
Cependant les choses ont changé depuis et le gouvernement et la Troïka au
pouvoir ont compris, après un été agité et une rentrée calamiteuse, mais aussi
sous la pression de la possible remise ne cause de leur légitimité après le 23
octobre, qu’une solution pilotée par l’UGTT a l’avantage de ne pas les mettre
trop en avant tout en leur ouvrant la voie à une possible réconciliation avec la
société, de plus en plus frondeuse.
Il est attendu donc, sauf problème de dernière minute -et il en existe- que les
partis politiques et les représentants des principales organisations
professionnelles et de la société civile se retrouveront le 16 octobre pour
commencer à discuter des principaux points de litige qui divisent aujourd’hui la
scène politique afin d’arriver à des formules consensuelle à même de pouvoir
faire bouger les choses et atteindre une plateforme d’accord susceptible de nous
conduire aux élections sans trop de dégâts.
En effet, en revenant au texte de l’Initiative de l’UGTT, nous pouvons mieux
cerner les contours de ce qui attend le Congrès national de dialogue -l’instance
centrale que propose l’Initiative et qui sera appelée d’ailleurs à se
transformer en Conseil national de dialogue par la suite…
Les principales bases sur lesquelles se construit l’Initiative et que les
participants doivent accepter et respecter sont axées sur l’attachement au
caractère civil de l’Etat, au régime républicain démocratique et aux acquis
sociaux du peuple tunisien. L’Initiative prône également le respect des Droits
de l’Homme, la garantie des libertés publiques et individuelles et la
consécration de la citoyenneté et de la justice afin de rompre avec le système
autoritaire et le rejet de la violence sous toutes ses formes.
L’Initiative appelle, par ailleurs, à la neutralité des lieux de prière, des
établissements économiques, scolaires et universitaires, comme elle appelle à
considérer l’Etat et ses services les seuls responsables de l’application des
lois, et de la protection des citoyens, de biens et des institutions, tout en
assurant le respect des droits et des libertés qui réduirait les disparités
sociales et régionales et ferait face à la pauvreté en renforçant
l’investissement et la culture de travail et de la production.
Ces bases essentielles et somme toute consensuelles a priori, doivent permettre
au Congrès national de dialogue et, après discussions, de dégager un certain
nombre de consensus sur les sujets plus délicats, à savoir:
Le dossier des blessés et les familles des martyrs de la révolution qui sera
pris en charge par l’Etat avec le soutien de l’effort national.
La consécration de la transparence en matière d’emploi et de recrutement des
diplômés en chômage.
La mise en place d’un calendrier qui fixe la date définitive de l’élaboration de
la Constitution et celle des prochaines élections.
La composition de l’Instance supérieure indépendante des élections ainsi que la
mise au point du prochain code électoral.
La composition de l’Instance supérieure indépendante de l’information.
La composition de l’Instance provisoire de la magistrature.
La composition de la Commission d’enquête sur la corruption et la malversation
ainsi que la Commission de confiscation des biens spoliés.
L’instauration de l’Instance nationale de la justice transitionnelle fondée sur
l’obligation de rendre des comptes puis la réconciliation.
La mise en œuvre d’un mécanisme relatif aux nominations administratives, aux
désignations dans les hauts postes de manière à consacrer la neutralité de
l’administration et à éviter qu’elle tombe sous la coupe du parti au pouvoir.
Le lancement de réformes urgentes du système bancaire propre à encourager
l’investissement et la création de postes d’emploi.
La réforme du système sécuritaire et sa restructuration de manière à consacrer
la sécurité républicaine.
Cependant, et comme on le voit aisément avec ce programme ambitieux,
l’Initiative de l’UGTT pêche peut-être par excès d’optimisme ou d’ambition par
le temps qui court où les protagonistes politiques sont à hu et à dia et où on
craint même le recours à la violence pas seulement par les salafistes mais
également par ceux qui prônent ouvertement l’exclusion ou par ceux qui se
sentent eux-mêmes exclus et veulent se défendre.
D’un autre côté, l’Initiative a ceci de bon qu’elle représente la dernière
chance, et aucune force politique patriotique ne peut feindre d’ignorer que son
échec est l’échec de tout le processus et l’échec du pays!