Pour le nouvel ambassadeur de France, la Tunisie, avec son dur affrontement entre islamistes et modernistes, présente un air de déjà vu. Car ce diplomate chevronné a exercé comme premier secrétaire à Ankara au milieu des années 90, lorsque la Turquie était le théâtre d’un choc tout aussi frontal entre le Refah (Parti de la prospérité, islamiste), arrivé au pouvoir en 1996, et les deux formations du centre droit -Parti de la mère patrie (ANAP) et le Parti de la juste voie (DYP).
En débarquant le 13 septembre en Tunisie pour y prendre ses fonctions de nouvel ambassadeur de France, François Gouyette n’a pas eu droit à la lente mise en train dont bénéficie généralement un diplomate arrivant dans un nouveau pays. Car il s’est trouvé, dès le lendemain, plongé dans le «chaudron» tunisien, avec l’attaque contre l’ambassade des Etats-Unis, suivie une semaine plus tard des menaces contre celle de la France.
Pourtant, un mois plus tard, le nouvel ambassadeur de France ne donne pas l’impression d’être obnubilé par le risque sécuritaire pesant sur son ambassade pourtant plus exposée que celle des Etats-Unis en raison de son emplacement en plein centre de Tunis. Cette –apparente ou réelle- sérénité tient probablement aussi au fait que le dispositif sécuritaire –avec aujourd’hui deux blindés et dix camions de l’armée, en plus d’une légère présence policière- a été notablement renforcé.
Le présent et l’avenir des relations tuniso-françaises non plus n’inquiètent pas le nouvel ambassadeur de France. Certes, suite à l’alternance intervenue en France, seize mois après la chute du régime Ben Ali, ces relations vont entrer dans une «nouvelle phase». Mais en tant que nouvel ambassadeur de la «nouvelle France» -que certains croient plutôt réservée à l’égard des Islamistes-, M. Gouyette assure que le nouveau pouvoir en place à Paris n’a «aucune réserve d’aucune espèce à l’égard de la nouvelle Tunisie».
De son côté, celle-ci serait, à en croire le nouvel ambassadeur, dans le même état d’esprit. En effet, François Gouyette affirme être sorti de son entretien d’une heure avec Hamadi Jebali, mardi 8 octobre, avec la conviction que l’actuel gouvernement tunisien n’a pas lui aussi de réserves à l’égard du partenariat avec la France. Ce qui est de nature à permettre au diplomate français d’œuvrer, comme il entend le faire, à «renouer des relations de confiance apaisées».
Après celle de Hamadi Jebali à Paris, en juin dernier, les probables visites en Tunisie du ministre des Affaires étrangères, vers la fin de l’année, et celle du président François Hollande, durant le premier semestre 2013, y contribueront certainement.
Mais là où M. Gouyette est un tant soit peu inquiet, c’est à propos de l’ambiance régnant actuellement en Tunisie. Le diplomate français déclare être «frappé par la polarisation de la société tunisienne» qu’il trouve «extrêmement négative et préoccupante». Une situation qu’il a, rappelle-t-il, déjà connue en Turquie où il a été premier secrétaire.