Nous nous adonnons, dans cette chronique, à un exercice particulier concernant la participation du président Marzouki au XIVème sommet de la Francophonie de Kinshasa: thèse, antithèse et synthèse. Avec deux sujets: le chef d’Etat se devait-il de participer à cette rencontre et pourquoi avoir choisi de parler en langue française.
Est-ce chercher la petite bête et faire de la polémique que de se demander pourquoi le président de la République a participé au XIVème sommet de la Francophonie (Kinshasa, 12 et 13 octobre 2012) et pourquoi a-t-il discouru en langue française?
Pratiquons, pour la circonstance, le triplet cher au philosophe allemand Georg Wilhelm Friedrich Hegel de la thèse-antithèse et synthèse. Un triplet que tous ceux qui ont pratiqué la dissertation connaissent.
Commençons par la thèse pour dire que cette participation était, d’abord, nécessaire et même souhaitée. A l’heure de la transition démocratique, la participation du premier magistrat de l’Etat à un aussi important événement ne peut qu’être une excellente occasion pour renforcer la présence de la Tunisie et densifier ses relations avec ses partenaires.
On peut le comprendre: il s’agit là d’une opportunité pour présenter les évolutions que connaît notre pays depuis la révolution du 14 janvier 2011. Et susciter un intérêt pour cette grande expérience humaine. On le comprend aussi: cette participation est de nature à retenir l’attention pour cette expérience et favoriser des coopérations.
Une occasion des plus propices
Quant à ce qui est d’avoir fait un discours en langue française, ensuite, tout le monde peut comprendre que l’occasion est des plus propices. Ne s’agit-il pas d’un sommet de la Francophonie, c’est-à-dire des pays qui partagent le français comme langue commune? Ne communique-t-on pas beaucoup mieux lorsqu’on s’adresse dans la langue de la quasi-majorité des chefs d’Etat et autres représentants des Etats invités à ce sommet ?
Il s’agit, enfin, d’un message d’ouverture que l’on pratique dans une importante réunion internationale. Les échos que renvoie la Tunisie depuis l’avènement de la Révolution portent quelquefois la signature de l’enfermement sur soi et de la négation de l’autre, exprimées également quelquefois avec une forte violence. Même si ces messages –force est de le constater- sont l’œuvre d’une extrême minorité qui compte au niveau du nombre, comme le dit l’expression, pour du beurre.
Venons à l’antithèse pour dire que les premiers dirigeants des pays arabes ont pour l’essentiel boudé cette rencontre qui n’avait pas à débattre de questions relatives à cette partie du monde. Le XIVème sommet de la Francophonie a été largement dominé, en dehors d’une certaine glose sur les Droits de l’Homme et la démocratie, par deux questions qui menacent la sécurité en Afrique: le conflit malien et celui de l’Est congolais.
Un ferment de l’identité nationale
Tous les premiers dirigeants des pays arabes membres de l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), du Liban au Maroc en passant par l’Algérie et la Mauritanie n’ont pas fait le déplacement de Kinshasa préférant déléguer des personnalités pour les représenter. Les informations recueillies à travers les comptes rendus publiés dans la presse font état, du reste, de la présence de 42 délégations et de 26 chefs d’Etat.
La Tunisie n’a jamais, à ce qu’on se souvienne, été représentée à cette rencontre par son président. La participation de notre pays, au même titre que d’autres pays arabes, a été même critiquée à un certain moment. Certains y ont vu dans la Francophonie, sans doute à tort, un non sens du fait de notre identité arabo-musulmane et même le parfum d’un attachement à un passé colonial partagé avec la France.
Certains vont jusqu’à dire que la réunion regroupe à quelques pays près ceux qui participent aux sommets France-Pays d’Afrique, marqués par des relations qui plongent leurs racines dans le passé colonial. Avec ses avatars de «France-Afrique». Le président François Hollande a annoncé d’ailleurs dans son discours prononcé à Dakar (Sénégal), le 12 octobre, la veille de son déplacement, au sommet de Kinshasa qu’il entendait écrire «une nouvelle page avec l’Afrique».
Concernant l’usage du français, les avis évidemment peuvent varier. Mais, il est certain que la langue étant un des ferments de l’identité nationale, il est rare qu’un responsable politique se doit de s’exprimer dans une autre langue que sa langue nationale.
Les présidents français qui sont, pour l’essentiel, de parfaits bilingues (français-anglais) –le président Jacques Chirac en a donné l’exemple dans sa visite à Jérusalem, en 1996- ne font jamais leurs discours officiels dans une autre langue que le français. Certains dirigeants joignent l’acte à la parole en intervenant dans les habits nationaux.
Maintenant la synthèse! Pour une fois nous dérogerons à la règle chère à Hegel. Nous vous laissons toute la latitude de la faire.