Vu d’Europe, la Tunisie semble sur le fil. A l’approche du 23 octobre et sans avoir à revenir sur les détails de la descente des flics dans un hôtel à Hammamet à la recherche de couples non mariés, ou encore les saccages des hôtels ou bars, ou encore les récents incidents à Tataouine, la destination envoie des signaux fortement préoccupants aux touristes qui s’imaginent la Tunisie basculée dans une violence inouïe! Passée à une heure de grade écoute et repris par tous les médias, la Tunisie ne s’est pas encore remise de la mauvaise presse qui a découlé du viol d’une jeune femme par des policiers que les incidents d’une descente musclée dans un hôtel ont pris le relais. Mais qui veut-on effrayer?
Si l’objectif est d’effrayer les touristes, c’est chose faite. Les opérateurs européens reconnaissent avoir beaucoup de mal à convaincre les touristes à se rendre en Tunisie. Si l’intention est de faire peur aux Tunisiens qui se déploient dans le secteur, ceux-ci en ont pris acte et se sont déjà mobilisés dans le passé. Ils n’hésiteront pas une fois encore à descendre dans la rue pour crier haut et fort «touche pas à mon touriste!».
Reste à savoir combien de temps la destination résistera? Jusqu’à quand peut-on continuer à lui asséner des coups? Celle-ci mettra combien de temps à gommer ces images de violence, de radicalisation, d’insécurité…? Qui veut assassiner le tourisme tunisien?
Un petit tour sur le Net via les forums ou les magazines d’information fait prendre conscience des dommages des derniers événements. Les commentaires vont du «le tourisme en Tunisie, c’est fini! Quel dommage!…» en passant par «Y aller maintenant, c’est trop dangereux… Il faut presque être voilée, pas en short et bien couvert de partout… Le nouveau régime fait peur aux femmes, aux homos, etc.», à «Ils veulent bien de notre argent mais pas de nos valeurs. Faut pas pousser quand même!», ou encore «La société tunisienne va glisser inexorablement vers un islamisme qui ne correspondra plus jamais à ce pays accueillant pour les touristes».
Des commentaires qui foisonnent sur les sites et autres forums de voyages autant que sur ceux dédiés à l’information.
Si jusqu’ici les attaques de bars ou d’hôtels se sont faites loin des zones touristiques protégées, s’attaquer à un hôtel via une descente musclée de flics dans une destination touristique n’est pas un acte dénué de significations. Il n’est surtout pas à prendre à la légère. Nos gouvernants qui se targuaient jusqu’à il y a quelques semaines de n’avoir subi aucun acte nuisant à l’ensemble de l’industrie touristique et des touristes se doivent de réagir et vite.
Jusqu’ici, ils pouvaient tenter de justifier que les actes provenaient d’une minorité qui joue à terroriser le pays. Aujourd’hui ce sont les garants de sa sécurité qui sont mêlés à une autre forme de terreur et de terrorisme. Est-ce par la moralisation que l’on va mettre à niveau le tourisme et le secourir? Est-ce en outrepassant les lois que l’on va le raviver? Est-ce en sévissant de la sorte que l’on va relancer la destination?
Jusqu’ici, les zones touristiques tunisiennes, et bien qu’elles ne soient pas à l’abri d’incidents, sont protégées par des services de sécurité efficaces quand les instructions sont clairement données. Ont-elles été justement données pour aller dans le sens de la moralisation?
Jusqu’ici, les impératifs économiques obligeaient la famille islamiste à mettre de l’eau dans son vin. Ennahdha au pouvoir a subi les affres de partis et de militants autrement plus radicaux. La descente des policiers dernièrement signifierait-elle qu’elle a mis le tourisme dans son collimateur?
Du côté du gouvernement, on se défend de jouer à ce jeu. Pas plus tard que jeudi 18 octobre, Rafik Abdessalem, ministre des Affaires étrangères, regrettait que Issam Chebbi, député à l’ANC, se «réjouisse» d’annulations de groupes sur la zone de Mahdia lors des débats houleux qui ont suivi «l’assassinat-crise cardiaque» d’un militant du parti Nidaa Tounes.
Sur une autre chaîne télévisée, c’était au tour d’Houcine Jaziri de faire porter le chapeau à l’UGTT avec ses grèves anarchiques et son déploiement de revendications. La réplique ne s’est pas fait attendre. «Les touristes n’ont pas peur des grèves. Ils vivent et respectent les traditions syndicalistes. Par contre, ils réellement peur du terrorisme et de la violence politique, deux maux qui les font fuir. Et c’est là où réside la responsabilité du gouvernement», conclura Belgacem Ayari, secrétaire général adjoint l’UGTT, chargé du secteur privé.