La valeur travail est en net recul sous nos yeux. Les Tunisiens, ou du moins certains d’entre eux, font marche arrière. Pour anéantir un édifice que toute la communauté nationale a construit depuis les premières années de l’indépendance. Dommage!
Le chef du gouvernement provisoire, Hamadi Jebali, a-t-il fait montre de démagogie en affirmant, haut et fort, vendredi 28 septembre 2012, dans son interview radio-télévisée, que les Tunisiens se doivent d’être patients et se mettre au plus tôt au travail pour reconstruire leur pays?
Certains le pensent. Et ils ont, peut-être raison! Mais cette attitude ne veut pas dire, et au-delà des querelles partisanes, que les Tunisiens, ou du moins certains d’entre eux, sont en train –le mot n’est pas trop fort- de détruire des pans entiers du pays qu’ils ont construits ensemble depuis –n’exagérons rien- l’indépendance.
A commencer par tuer des valeurs qui se sont mises en place petit à petit, notamment la valeur travail. Il ne faut pas chercher loin pour trouver que le sens de l’effort a permis à des centaines –voire des milliers- de Tunisiens de se hisser à des sommets inespérés grâce à la détermination qu’ils ont manifestée pour s’accrocher à leurs études et à engager péniblement une carrière pleine de promesses.
A la force du poignet
La majorité des politiques qui nous gouvernent depuis l’indépendance, des médecins qui nous soignent, des universitaires qui fournissent du savoir à nos enfants et bien d’autres personnes qui ont réussi à se frayer, à la force du poignet, un chemin dans la vie, sont issus pour l’essentiel de catégories pauvres ou moyennes de la société. L’école et la volonté leur ont permis de monter dans cet ascenseur social qui a toujours fait l’admiration de nombreux de nos interlocuteurs étrangers. Qui ont souvent cité la Tunisie en exemple.
Que d’histoire n’avons-nous pas entendu sur tel ou tel grand professeur de médecine, avocat ou ambassadeur qui ont souvent révisé leur cours et fait les exercices que leur demandait leur maître d’école sous les réverbères.
Que d’histoires racontées sur tel chercheur tunisien installé à l’étranger qui a continué ses études grâce à un effort de tous les instants et à un mécanisme de solidarité qui consistait à profiter des quantités minimes d’huile d’olive ou de blé revendues après avoir été cédées par des agriculteurs fortunés à une association de bienfaiteurs.
On ne se tue pas à la tâche
A-t-on oublié aujourd’hui cet extraordinaire legs culturel que nous ont laissé nos parents qui vénéraient, au-delà de tout, la conquête du savoir et l’abnégation? Des valeurs que nous a toujours enseignées l’Islam. Est-ce faire montre de démagogie et s’ériger en donneur de leçons que de dire que Dieu nous a toujours inculqué la patience et ordonné de travailler; le travail est considéré bel et bien comme un devoir religieux!
Or, qu’observons-nous aujourd’hui? Il suffit de se rendre dans n’importe quel lieu de travail pour remarquer que certains ne se tuent pas –loin s’en faut- à la tâche. Il est malheureux de remarquer que certains explorent même tous les moyens pour se dérober à leur devoir. Des échos font état de nouveaux comportements. Comme celui de ne plus revenir à son lieu de travail après la prière du vendredi. S’octroyant une plage de repos supplémentaire chaque semaine; celle-ci vient s’ajouter au repos du samedi et du dimanche.
Es-ce apporter de l’eau au moulin d’Ennahdha que de mettre le doigt sur cette réalité? La question –on le comprend- dépasse le cadre bien étroit de la politique. En effet quel que soit celui qui gouvernera le pays, les miracles ne peuvent être espérés! Le ciel ne peut pleuvoir de l’or! Il y a une seule voie: celle du travail. Allez demander aux Nippons, aux Coréens du sud, aux Taïwanais, aux Chinois, aux Thaïlandais et autres Asiatiques ce que valeur travail signifie.
Que peuvent espérer ceux qui s’appuient encore sur une certaine mentalité d’assisté préférant rester pendant de longues heures dans les cafés plutôt que d’aller travailler dans les champs. Ou ceux qui n’ambitionnent que de trouver un emploi bien payé et qui n’exige d’eux que le moindre effort.
Es-ce faire preuve de démagogie, jouer au donneur de leçon ou épouser un point de vue impérialiste que de se remémorer cette magnifique phrase du président américain J. F. Kennedy (1917-1963), prononcée le 20 janvier 1961: «Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais plutôt ce que vous pouvez faire pour votre pays».
Il est sans doute nécessaire, à l’heure où notre pays traverse une période difficile, faite notamment de grèves à répétition et de la montée de revendications de toute sorte dont un tant soit peu régionalistes, de dire des vérités. Le rôle de la presse n’est-il pas d’attirer l’attention sur les dangers qui guettent le pays? Avant que ce ne soit trop tard!