Les partenaires stratégiques de la Tunisie, particulièrement les Etats-Unis, l’Union européenne et les institutions financières internationales (Banque mondiale, FMI, BAD, BEI…), ont été certes irrités par les bourdes que la Troïka ne cesse de commettre, mais demeurent, en même temps, déterminés à accompagner la transition démocratique du pays… sans doute pour des raisons géostratégiques.
Les Etats-Unis, les plus affectés par les dérapages de la révolution avec comme pointe l’assaut sauvage mené, un certain 14 septembre 2012, par des salafistes extrémistes contre l’ambassade et l’école américaines à Tunis, ont encaissé, difficilement, le coup, et opté, en même temps, pour le raffermissement des liens avec la Tunisie.
La chef de la diplomatie américaine, Hilary Clinton, n’a pas caché l’intérêt hautement stratégique que portent les Etats-Unis à la transition démocratique en Tunisie et à l’enjeu de la soutenir. En témoigne la déclaration qu’elle a faite, juste après l’attaque de l’ambassade: «le peuple tunisien a courageusement choisi la voie de la démocratie. La révolution tunisienne était la première des révolutions arabes et le peuple tunisien a travaillé si dur et consenti des sacrifices si grands qu’il est inadmissible que les progrès qu’il a réalisés soient pris en otage ou dévoyés par des extrémistes qui ont leur seul agenda».
Concrètement, les Etats-Unis continueront à fournir une assistance multidimensionnelle à la Tunisie dont deux aides précieuses: la fourniture à l’armée tunisienne d’une logistique militaire pour la surveillance «des frontières poreuses» et la fourniture, au ministère des Finances, de la précieuse garantie du rating «AAA» américain pour la sortie sur les marchés financiers internationaux privés, la Tunisie ayant perdu, par l’effet des troubles qui ont prévalu ces deux dernières années, le rating «grade d’investissement» qui lui permettait de lever sur ces fonds à des conditions acceptables.
Quant à l’intensification de l’investissement direct américain, il faudrait hélas attendre encore. Il sera tributaire, comme l’a signalé Jacob Walles, ambassadeur des USA à Tunis dans le message adressé au peuple tunisien (lire notre article), de la mise en place d’un «environnement sûr et sécurisé» et de l’engagement ferme du gouvernement tunisien à «assurer la sécurité de ses citoyens et de ses invités», l’invitant, au passage, à mener son enquête et à traduire en justice les auteurs et les commanditaires de l’assaut mené contre l’ambassade.
Pour sa part, l’Union européenne a décidé d’encourager ses touristes à visiter la Tunisie et ses hommes d’affaires à y investir et à approfondir, au plan institutionnel, ses relations avec le pays.
Point d’orgue de cette volonté, la décision de Bruxelles d’accorder à la Tunisie le statut privilégié tant attendu. La Tunisie aura droit presque à tout avec l’UE, à l’exception de l’adhésion.
Ce statut avancé, qui sera signé au plus tard au mois de décembre prochain, va instituer la concertation au plan politique et diplomatique (tenue de sommets périodiques), favoriser, au plan économique, le transfert vers la Tunisie d’importants fonds structurels et la mise en place d’une zone de libre-échange calquée sur le modèle des règles régissant l’Espace économique européen (l’UE plus la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein), outre l’accès de la Tunisie aux prestations d’agences européennes spécialisées: Eurojust, Europol, Agence européenne de la sécurité aérienne ou l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanes.
Il ne manquera pas également d’impulser la coopération en matière de formation et de recherche, de partenariat entre les institutions de recherche et de mise en place de plateformes technologiques impliquant les entreprises.
Parmi les autres objectifs de ce statut figurent une grande implication des entités territoriales, des acteurs économiques et des partenaires sociaux des deux parties, et ce à travers la création de commissions mixtes de parlementaires, l’intensification des échanges de visites entre partis politiques et l’octroi à la Tunisie un statut d’observateur au sein du Conseil d’Europe.
C’est pour dire que ce statut, avec les nombreux apports qualitatifs qu’il engrange, ne comporte que des avantages pour la Tunisie post-révolutionnaire. C’est de toute évidence une évolution, éminemment, positive des relations entre Tunis et Bruxelles.
Les institutions financières internationales, bras financiers de ces puissances économiques et militaires, ont suivi le mouvement et se sont mobilisées pour apporter aide et assistance à la Tunisie. Elles n’ont cessé de déclarer qu’elles sont prédisposées à faire un geste de plus pour mener à bon port la transition démocratique du pays et à soutenir son économie.
A titre indicatif, la Banque mondiale s’est déclarée, par la voix de sa représentante en Tunisie, Eileen Murray, prête, si le besoin se fait sentir, d’aller au-delà du seuil autorisé des prêts auxquels la Tunisie a droit. Pour cette amie de la Tunisie, la raison est simple : «Si la Tunisie ne réussit pas, rien ne réussira ailleurs».
Tous les partenaires de la Tunisie partagent d’ailleurs cette conviction et sont déterminés à aider notre pays au moins pour trois raisons géostratégiques majeures.
Premièrement, la Tunisie est le premier pays arabe à avoir fait une révolution totale. Il présente l’avantage de disposer d’une population éduquée, de femmes émancipées et d’une société civile très active.
Deuxièmement, la Tunisie est un pays relativement bien organisé et structuré. Il dispose d’un Etat, d’une administration, d’une justice, d’une police, d’une armée et d’autres institutions républicaines…
Troisièmement, ce pays, fort des atouts précités, peut migrer facilement avec succès vers une démocratie.
Globalement, pour l’ensemble de ses partenaires, la Tunisie, pour peu qu’elle soit épaulée de manière conséquente, est en mesure de réussir la transition démocratique souhaitée dans le monde rabe et de devenir l’exemple à suivre, pour les autres pays.