A l’exception des trois partis de la Troïka, Ennahdha, Ettakatol et le Congrès pour la République (CPR), tous les autres mouvements politiques estiment, qu’après une année au pouvoir, la Troïka «a lamentablement échoué» et qu’ils ont décidé, de concert avec la société civile, de mettre la pression sur elle aux fins de l’amener à adopter dans les meilleurs délais la Constitution, de fixer de manière consensuelle la date des prochaines échéances électorales et d’accélérer les réformes des institutions républicaines (dynamisation de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), l’institution d’un organisme de régulation de l’audiovisuel, l’Instance provisoire de la magistrature, la loi électorale…
Une année après les élections du 23 octobre, les médias férus de bilans, en de telles occasions, ont demandé à des leaders de partis représentant les principaux pôles politiques: les conservateurs d’obédience islamique (Ennahdha), les gauchistes (Front populaire) et les centristes (Nidaa Tounes), d’évaluer le chemin parcouru.
Pour Rached Ghannouchi, leader du parti Ennahdha, le 23 octobre 2012 est un jour de grande fête pour tous les Tunisiens. Pour lui, la célébration du premier anniversaire du 23 octobre se situe au même niveau que celle de la fête de l’indépendance du pays.
Evoquant les réalisations de la Troïka, Rached Ghannouchi, qui était interviewé, ce mardi 23 octobre, par Radio Express Fm, a déclaré que si on tient compte du fait que les principaux objectifs de la révolution étaient axés sur la liberté et la création de revenus, la Troïka a réussi à instaurer la liberté totale d’expression pour tous les Tunisiens au point qu’ils en abusent parfois.
Quant à la création de sources de revenus et d’emplois, il a déclaré que la réalisation de tels objectifs est tributaire de la sécurité et de la stabilité dans les régions, tout en déplorant les nombreuses revendications (sit-in, coupures de routes, grèves…) qui ont empêché le gouvernement de réaliser les programmes arrêtés à cette fin.
Il a tenu à préciser, d’ailleurs, qu’«autant la Tunisie souffre de chômage autant elle pâtit, paradoxalement, de pénurie de main-d’œuvre (des centaines de milliers d’emplois dans le pays seraient disponibles dans plusieurs secteurs). Il a relevé que les demandeurs d’emplois doivent aller là où se trouve le travail et ne pas exiger nécessairement des emplois adaptés sur mesure à leur formation». Pour lui, le principe est simple: le chômage est une honte et tout travail est un honneur.
S’agissant de l’émergence spectaculaire et inquiétante du phénomène salafiste, depuis le 23 octobre 2011, il a «insisté sur l’impératif de traiter cette problématique avec des mécanismes politiques, développementaux et académiques religieux, réitérant sa conviction que ce mouvement politique est étranger au pays et que la Tunisie n’a d’autre choix que de dialoguer avec ceux qui veulent dialoguer». L’objectif est d’éviter des exemples malheureux, citant, à ce sujet, ceux d’Afghanistan, d’Algérie, du Soudan, de la Mauritanie, d’Egypte…
Hamma Hammami, président du Front populaire, a fait un bilan sombre des réalisations accomplies, depuis le 23 octobre 2011 et imputé ces résultats négatifs à «l’absence de volonté politique réelle pour faire avancer les choses».
Au nombre des points négatifs, il a cité «le retard qu’accuse la rédaction de la Constitution, la mainmise du parti Ennahdha sur tous les rouages de l’Etat, l’aggravation du chômage, la cherté de la vie, la marginalisation et le déséquilibre régional, la perte de temps générée par des débats stériles sur certains sujets (égalité entre l’homme et la femme, le régime politique…) et la non dynamisation, dans les temps, des textes devant régir des institutions républicaines, telles que l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), l’instance de régulation de l’audiovisuel, l’Instance provisoire de la magistrature, la loi électorale…»
Il a également condamné la fâcheuse tendance de la Troïka à traiter des problèmes socioéconomiques par des mécanismes juridiques et sécuritaires et dénoncé les pratiques partisanes de la Ligue de protection de la révolution accusée de violence politique et d’être un appendice d’Ennahdha. A ses yeux, cette ligue a dévié de ses objectifs initiaux en ce sens où «elle n’a jamais demandé des comptes à la Troïka, notamment en ce qui concerne ses défaillances en matière des réalisations des objectifs de la révolution dont la liberté de presse, l’indépendance de la justice et la neutralité de l’administration».
Pour sa part, Mondher Belhaj Ali, représentant du parti Nidaa Tounes a fait observer, sur les ondes d’une radio privée, qu’outre les nombreux maux dont ont souffert les Tunisiens, une année durant (cherté de la vie, insécurité, instabilité, déséquilibre régional…), l’année 2012 a été marquée par la violence politique dont ont fait l’objet les militants de son parti, et surtout de la tendance “exclusionniste“ du parti majoritaire Ennahdha. «Ce parti refuse de débatte avec Nidaa Tounes et rappelle les mêmes pratiques du Parti socialiste destourien (PSD) qui en avait fait autant, dans les années 80, avec le parti populaire le Mouvement des démocrates socialistes (MDS)».
Par delà les déclarations des uns et des autres, tout le monde en convient qu’aucun parti ne peut gouverner seul et on est unanime pour oublier l’année 2012 pour faire prévaloir le consensus quant à toutes les questions qui engagent le devenir du pays.