L’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) joue, en partenariat avec différentes institutions étatiques, telles l’ANETI ou encore l’API, un rôle important dans la mise en œuvre de projets de formation, de coaching et d’encadrement dédiés à des jeunes diplômés motivés et intéressés par la création de leurs propres entreprises.
Dans le cadre du programme OMD (Objectifs du Millénaire pour le Développement), l’ONUDI a initié, depuis 2009, une série de formations suivant une méthodologie intégrée. Des sessions de formations qui ont tout d’abord touché les formateurs, ensuite les jeunes entrepreneurs et tout récemment les conseillers (Voir article). La mission de l’ONUDI en tant qu’agence de coopération technique la dédiait à offrir l’assistance technique, l’expertise et l’accompagnement nécessaires à des jeunes porteurs de projets en mal d’une véritable formation à l’entrepreneuriat.
Bilan d’un parcours que l’on juge réussi avec Monica Carco, représentante de l’ONUDI en Tunisie.
WMC : L’ONUDI a assuré une série de formations en direction des jeunes porteurs de projets. Comment évaluez-vous le chemin parcouru en Tunisie durant les trois dernières années?
Monica Carco: C’est en 2009 que nous avons démarré notre programme d’encouragement à la création d’entreprises en commençant tout d’abord par former les formateurs. L’ONUDI avait, à l’époque, mis en place un programme intitulé «Formation à l’entrepreneuriat, locomotive pour l’investissement». L’objectif de cette formation était de mettre en réseau les structures publiques d’appui et le secteur privé.
Cette méthodologie est en fait suivie depuis 10 ans dans 33 pays, et nous avons réalisé qu’elle a été un succès. Les résultats ont été probants, chiffres à l’appui tant en matière d’investissements domestiques que d’attraction d’investissements étrangers. Car les jeunes entrepreneurs, une fois leurs entreprises mises en place, peuvent avoir besoin d’une expertise internationale ou d’une technologie qu’ils vont chercher au-delà des frontières nationales, ce qui leur permet de nouer des partenariats avec leurs vis-à-vis étrangers.
La méthodologie de l’ONUDI prévoit la couverture de tous les aspects de création et de développement de l’entreprise; sa réussite dans nombre de pays nous a incités à la mettre en pratique en Tunisie. Nous avons démarré avec un premier module de formation des formateurs, nous avons assuré l’accompagnement des entrepreneurs et la semaine dernière, nous avons engagé la formation des conseillers.
Après le 14 janvier 2011, vos activités ont-elles été ralenties en raison des conséquences de la chute de l’ancien régime et de la mise en place d’un nouveau gouvernement?
Au contraire, nous avons intensifié l’accompagnement des entrepreneurs. Nous sommes intervenus auprès de 120 porteurs de projets que nous avons identifiés après la révolution entre le gouvernorat de Gafsa, celui du Kef et du Grand Tunis. Parmi eux, 70% sont soit opérationnels soit en cours d’achèvement. Notre méthodologie en tant qu’ONUDI a prouvé son efficience car ces jeunes entrepreneurs ont réussi à mobiliser des ressources auprès de banques, telles la BTS ou la BFPME.
La série de formations engagée par l’ONUDI suivant une méthodologie intégrée permettra aux conseillers de découvrir les profils clés pour la mise en place de projets, car ils opèrent dans les structures publiques et dans le secteur privé. C’est un partenariat public/privé apte à mobiliser le réseautage local.
Il y a également les structures de financement que l’on doit mobiliser à chaque fois que l’on doit financer un projet. Nos priorités se dirigent vers la création d’équipes intégrées à l’échelle régionale regroupant les représentants des structures d’appui et ceux des organismes financiers de façon presque autonome. Le but est de leur permettre d’identifier rapidement les problèmes et aboutir rapidement à des solutions. Il s’agit de créer des équipes pour soutenir l’entrepreneur dans ses démarches pour l’accomplissement de son projet.
Les équipes dont vous parlez auraient-elles à effectuer un travail de lobbying auprès des entrepreneurs et des parties prenantes dans le développement d’une culture entrepreneuriale?
Ces équipes peuvent décider d’elles-mêmes de faire de la sensibilisation par la diffusion d’articles de presse ou la réalisation d’études sur l’entrepreneuriat. Elles peuvent se mettre en contact avec les universités, y faire des cours de formation spécifiques en direction des étudiants.
Ne pensez-vous pas que le réseautage entre entrepreneurs est autant important à l’échelle régionale?
Bien évidemment. C’est ce qui permet de donner vie aux associations d’industriels, de jeunes entrepreneurs et d’autres formations entrepreneuriales. Lorsque les jeunes porteurs de projets communiquent entre eux, ils peuvent d’ores et déjà identifier ensemble des solutions à leurs difficultés. L’information est importante et elle fait partie de notre méthodologie. Mettre ensemble les entrepreneurs pendant 5 ou 10 jours à travailler sur le thème de la création de l’entreprise leur permettra de se partager leurs propres expériences. Nous ne l’avons jamais fait. Il faudrait le faire.
Comptez-vous lancer ce genre de rencontres dans les régions?
C’est ce que nous envisageons grâce aux programmes financés par l’Italie. Il s’agit d’une enveloppe de 1 million de dollars qui vise la création de l’emploi à travers la création et le développement de l’entreprise dans les régions du centre-ouest. Ces programmes comprennent des modules qui intéressent les universités en motivant les étudiants à créer leurs propres projets ainsi que les structures locales d’appui à travers le réseautage et la diffusion de la culture entrepreneuriale.
Quelles sont les actions que mène l’ONUDI en compagnie des structures d’appui pour stimuler la culture de l’entrepreneuriat dans les régions et surtout dans le centre-ouest?
Nous y œuvrons à travers la formation, la sensibilisation et la facilitation de l’accès aux financements, mais le plus important est de créer un climat d’affaires adéquat. Il faut comprendre que la simplification des procédures administratives et l’accessibilité aux capitaux comptent beaucoup pour un jeune entrepreneur, lequel, bien orienté, en parlera autour de lui et fera part de son enthousiasme à son entourage. Le contraire est aussi valable, la déception est contagieuse et si un entrepreneur ne trouve pas les incitations nécessaires pour mettre en place son projet, il répercutera sa désillusion dans son environnement immédiat.
Une deuxième condition est nécessaire pour stimuler la culture entrepreneuriale, c’est l’éducation. Dès l’âge de 16, on devrait commencer à former les jeunes à l’importance de créer sa propre entreprise. A l’ONUDI, nous avons mis en place un cursus consacré aux élèves proposant des exercices sur les entreprises. A titre d’exemple, nous leur demandons d’identifier un projet qui les intéresse, ils vont sur le terrain et ensuite, ils rentrent en classe pour développer la démarche à entreprendre pour réaliser le projet. C’est une manière de rapprocher l’enfant des entrepreneurs. Ce programme a donné des résultats très probants au Mozambique.
Il est aujourd’hui nécessaire d’encourager non seulement les stages au sein des entreprises mais aussi le mentorat et la philanthropie au sein des grandes entreprises et grands groupes pour qu’ils assurent un rôle d’accompagnement aux entrepreneurs.
Il faut, d’autre part, encourager les clusters. La mobilisation d’un certain nombre d’entrepreneurs dans une même région autour de projets intégrés et de différentes compétences de production permet de mobiliser les investissements.
Pourquoi ne réussit-on pas à instaurer un réseautage public/privé d’après vous?
J’estime que le secteur public ne doit pas être timide. Il faudrait que les fonctionnaires s’invitent chez les entrepreneurs et leur proposent des activités à la limite promotionnelles. On peut par exemple inviter la firme Benetton sise à Monastir à offrir une formation aux jeunes créateurs portant sur le marché des textiles.
La culture entrepreneuriale est la réduction des barrages public/privé et développer le sens de la communauté.
On a parlé à l’ONUDI de fonds pour soutenir les jeunes entrepreneurs ne disposant pas de fonds propres…
Au niveau global, nous avons eu des expériences très positives de la création de ces fonds. En Tunisie, l’idée a bien sûr fait son chemin et nous travaillons avec le réseau de la BAD et tous nos partenaires. Nous avons fait des études pour la création d’un fonds, mais ce n’est pas facile de trouver un modèle rentable en matière d’autofinancement parce qu’ainsi, nous rentrons dans ce qu’on appelle “l’équité“, mais il y a d’autre moyens innovants destinés aux fonds propres comme les Business Angel et les microcrédits, les garanties sur les crédits, les fonds à risques, etc.
D’ailleurs, nous organisons les 28 et 29 novembre une conférence en partenariat avec les ministères de l’Emploi et de l’Industrie sur la création des emplois productifs. Cette conférence comportera 4 sessions dont une sera consacrée aux financements innovants pour la création d’entreprise.
Nous discuterons dans ce contexte des meilleures pratiques à l’échelle mondiale pour dégager celles qui s’adaptent le mieux à la Tunisie.
Le 14 novembre nous organisons une table ronde sur l’autofinancement des PME, nous identifierons ensemble des solutions et nous soumettrons nos recommandations aux participants lors de la conférence de fin novembre.
L’ONUDI a également pour mission d’encourager les projets innovateurs et de militer pour le développement de l’industrie verte. Avez-vous travaillé sur ces thèmes en Tunisie?
En Tunisie, nous avons eu de bons résultats grâce au programme Med-test financé par le Fonds global de l’environnement et le gouvernement italien. Nous avons travaillé auprès d’une quinzaine d’entreprises que nous avons incitées à s’approprier des technologies plus propres.
Grâce également à un fonds suisse, nous avons engagé un programme important en direction du CITET et des centres techniques et qui leur permet de renforcer leurs capacités de gestion.
Notre objectif est d’offrir l’assistance technique aux entreprises industrielles pour les aider à mieux intégrer le management environnemental dans leur gestion globale. Nous avons ainsi assuré le pilotage d’une quinzaine d’entreprises en matière d’industrie verte.
Nous avons également mis en place des programmes pour développer ces compétences dans les régions et particulièrement celles du Centre-ouest au travers de consultants privés ou de structures publiques qui soient aptes à dispenser des conseils à l’entreprise et l’inciter à adopter des méthodes de travail pour des productions propres.
Nous comptons développer ces nouvelles approches dans ces régions grâce aux financements italiens et à d’autres en provenance de l’USAID (1,8 million de dollars). Le but est en définitive la création de l’emploi à travers le développement de l’entreprise et d’activités productrices.
Quelle approche comptez-vous suivre pour convaincre les jeunes entrepreneurs de l’importance d’une industrie propre?
Nous intégrons dans nos formations tous les aspects expliquant les avantages d’une technologie propre. L’entrepreneur doit pouvoir faire la différence entre une technologie propre et une autre consommatrice d’énergie et nuisible à l’environnement. Ceci exige un investissement plus important au démarrage mais l’entrepreneur gagne une épargne significative en eau et en électricité, et sur le long terme, ses profits sont pérennes et sûrs, il gagne en positionnement sur les marchés internationaux quand ses produits sont labellisés verts.
Grâce au programme Med-test, une firme comme Coca Cola Tunisie, qui a introduit la méthodologie dans son management, a pu réaliser une épargne substantielle et a bénéficié de ce qu’on appelle «the rate of return», c’est-à-dire un retour sur investissement important.
L’économie verte se développe aussi grâce à une législation et un environnement d’affaires adéquats, mais pour l’ONUDI, il s’agit surtout de la technologie, de la promotion des investissements, de la vision des promoteurs et du meilleur moyen de réduire les industries polluantes.