Grand connaisseur des intrigues de palais et des pratiques de sérail qui ont émaillé les 25 ans de règne de Ben Ali, le journaliste français, Nicolas Beau, livre son sentiment sur la situation en Tunisie, dans une contribution sur les réseaux sociaux intitulée : «La marmite tunisienne au bord de l’explosion». À rappeler qu’il est l’auteur de deux livres à grand succès, qui ont démonté toute la mécanique du pouvoir de Ben Ali et de son épouse Leïla Trabelsi. Le premier livre s’intitulait «Notre ami Ben Ali» et le deuxième «La régente de Carthage».
Quelques extraits de la contribution de Nicolas Beau :
«Ce qui frappe aujourd’hui à Tunis, c’est à quel point les élites politiques et intellectuelles de la Tunisie légale ont oublié le pays réel. On a oublié un peu vite que ce sont des revendications contre la pauvreté et la corruption, venues des profondeurs du pays qui ont ébranlé le régime de Ben Ali. Or depuis le 14 janvier 2011, date du départ de l’ex-dictateur en Arabie saoudite, la situation n’a fait qu’empirer. À quelques encablures des restaurants bling-bling et des hôtels luxueux de Gammarth, d’Hammamet et de La Marsa, la Tunisie de l’intérieur est au bord de l’explosion sociale. «Pour ces millions d’oubliés, qui lors de l’élection de la Constituante, il y a tout juste un an, ont choisi en majorité le vote islamiste, l’heure n’est plus aux délices et poisons des palabres de la Constituante. Le gouvernement tunisien, dominé par le parti islamiste Ennahdha, avait promis qu’il rendrait sa feuille de route constitutionnelle le 23 octobre, date du premier anniversaire de la Constituante. Or depuis septembre, le pouvoir tunisien cherche à gagner du temps.
(…) «Ce grand méconnu qu’aura été l’ancien ambassadeur de France à Tunis, le sarkoziste Boris Boillon, avait eu ce jugement cruel: «L’Assemblée constituante est un détour inutile, il fallait à peine trois semaines pour rédiger une Constitution». Excessif? Pas sûr !
«L’impatience grandit, le chômage explose, la croissance est en berne. Les chiffres de plus annoncés par le gouvernement de 3% de croissance sont totalement trompeurs parce que calculés par rapport à la récession de 2011. Plus significatif encore, l’économie parallèle prospère. Dans un secteur comme ceux du bois ou du béton, près de 80% des transactions se font au noir. Le commerce informel s’intensifie avec l’Algérie. Un cours parallèle s’installe entre les deux dinars. Les Algériens en effet spéculent sur la monnaie tunisienne qui leur permet d’investir dans l’immobilier, de s’offrir des vacances agréables ou enfin de contourner le contrôle sévère des changes qui existe dans leur pays.
«Le tourisme n’est pas plus flamboyant. À Tabarka, cette charmante station balnéaire située à la frontière algérienne qui a été rendue célèbre fin 2010 par les vacances de Michèle Alliot-Marie alors que le pays était en plein soulèvement populaire, on songe à fermer l’aéroport international qui avait été créé, avec succès, voici quelques années.
«S’il existe un seul secteur qui recrute aujourd’hui, c’est bien le ministère de l’Intérieur. Les opposants à Ben Ali avaient toujours avancé l’effectif de 130.000 policiers sous l’ancien régime. Ce chiffre était totalement surestimé. Le pays comptait en fait quelques 50.000 policiers. Or depuis janvier 2011, date du départ de Ben Ali, 25.000 à 30.000 ont été embauchés, dont 10.000 par les islamistes d’Ennahdha. (…)
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