Anglo American de Rustenburg en Afrique du Sud, le 5 octobre 2012 (Photo : Stephane de Sakutin) |
[26/10/2012 17:23:35] JOHANNESBURG (AFP) La démission annoncée vendredi de Cynthia Carroll, la patronne du géant minier Anglo American, numéro 1 mondial du platine, n’a pas surpris les initiés, alors que le groupe s’efforce de sortir d’une violente crise sociale en Afrique du Sud.
“La grogne des actionnaires était évidente depuis quelque temps”, a souligné la banque canadienne BMO dans une note d’analyse.
La semaine dernière encore, la directrice générale avait pourtant fait le déplacement en Afrique du Sud depuis Londres pour des entretiens de haut niveau et pour tenter de sortir le groupe de la vague des grèves sauvages qui paralyse toujours sa production de platine.
Premier producteur mondial de platine avec sa filiale Amplats, Anglo American est un groupe bientôt centenaire, basé à Londres mais dont la majeure partie du personnel et de l’activité est en Afrique du Sud. Le groupe emploie 76.000 salariés permanents dans ce pays, sur 100.000 dans le monde, selon son site.
Vendredi soir, le syndicat majoritaire NUM a annoncé que la direction d’Amplats avait accepté de réembaucher 12.000 mineurs grévistes licenciés le 5 octobre, dans le cadre d’un accord pour tenter de mettre fin à la grève.
L’accord comprend également un volet salarial.
Le conflit a duré sept semaines, surpassant en durée celui de Lonmin à Marikana où la grève avait duré six semaines et fait une cinquantaine de morts.
Entre 4 et 9 morts sont à déplorer dans des règlements de compte en marge de la grève d’Amplats, dont l’un a été brûlé vif le 11 octobre.
éant minier Anglo American, numéro 1 mondial du platine, le 3 octobre 2012 |
La démission de Mme Carroll était attendue par les marchés, qui savaient une partie des actionnaires et des investisseurs de plus en plus mal disposés à son égard.
“L’an prochain, cela fera sept ans que je serai directrice générale et je trouve que c’est le bon moment pour passer le relais à un successeur qui pourra continuer à bâtir sur les fondations solides que nous avons posées”, a expliqué la dirigeante américaine, 55 ans, aux commandes d’Anglo American depuis 2007.
Elle a aussi annoncé qu’elle lâchait les rênes d’Amplats, ainsi que de De Beers, le diamantaire sud-africain, où elle venait d’être nommée présidente.
Elle va simplement occuper ses fonctions le temps qu’un successeur lui soit trouvé.
Le salaire annuel est alléchant puisque Mme Carroll gagne au moins 2,174 millions de livres sterling par an (2,7 millions d’euros), selon le rapport financier du groupe sur l’année 2011.
Mais la fonction n’est pas de tout repos, et des investisseurs, frustrés par le cours de l’action depuis quelques mois, reprochaient visiblement à Mme Carroll de n’avoir fait assez fructifier le potentiel du groupe.
“Néanmoins, l’annonce intervient alors qu’il n’y a pas de successeur désigné et peut être considérée comme légèrement hâtive”, estime BMO, qui y voit un signe avant-coureur négatif pour le projet Minas Rio, une mine de fer brésilienne où Anglo American pourrait pâtir de nouveaux retards.
Et BMO observe également que l’absence d’un remplaçant connu “va probablement accroître l’instabilité pour l’entreprise (…)”.
Les analystes de la Deutsche Bank se félicitent en revanche clairement de l’arrivée d’une “direction fraîche”. Ils estiment que la transition est tout à fait “appropriée”, tout en espérant que les progrès faits grâce à l’entregent politique de Mme Carroll ne seront pas perdus, notamment en Afrique du Sud.
Mme Carroll avait été choisie en octobre 2006 pour prendre la tête du groupe, puis reconduite à son poste par l’assemblée générale en avril 2012.
Des mineurs manifestent sur le site de Rustenburg en Afrique du Sud, le 6 octobre 2012 (Photo : Alexander Joe) |
L’annonce de sa démission est tombée au lendemain de la présentation des résultats du troisième trimestre 2012, alors qu’Amplats, sa filiale platine, n’a jamais été autant sous pression.
Le platine se vend à l’industrie automobile mais les cours ont tendance à baisser en raison d’une moindre demande mondiale, tandis que les tarifs de l’électricité augmentent en Afrique du Sud, ce qui renchérit les coûts de production.
La facture du premier mois de grève s’est élevée à 1,1 milliard de rands (98 millions d’euros) pour Amplats.