à Séoul le 27 septembre 2012 (Photo : Jung Yeon-Je) |
[28/10/2012 13:07:14] PARIS (AFP) Le patron de Google Eric Schmidt, qui sera reçu lundi par le président François Hollande à Paris, arrive en terrain miné face à des éditeurs de presse français et européens déterminés à faire payer le moteur de recherche américain.
Italiens et Allemands font cause commune avec les Français pour réclamer l’instauration par la loi d’un droit payant qui serait versé par Google aux organes de presse, arguant que ce sont leurs contenus, régulièrement actualisés, qui drainent les visiteurs vers le géant du net.
Sourd à ce stade aux revendications d’une presse qui prend la crise de plein fouet, Google montre les dents: le moteur de recherche menace de ne plus référencer les journaux français si une telle taxe devait voir le jour, c’est-à-dire de ne plus afficher les liens qui renvoient le lecteur vers leurs sites.
Instaurer une taxe serait “néfaste pour internet et pour les internautes”, a estimé Olivier Esper, responsable de Google, dont le siège social est basé en Irlande et échappe ainsi à la taxation sur les sociétés dans l’Hexagone.
Pendant son étape parisienne, le président exécutif du groupe Eric Schmidt, qui entame ainsi une tournée européenne, doit être reçu par la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, favorable à la demande des éditeurs.
Elle “légitime que les éditeurs de presse s’interrogent sur la manière dont il faut faire participer ceux qui diffusent leur contenu à leur financement”.
En revanche, Fleur Pellerin, ministre déléguée au numérique, qui sera présente au côté de François Hollande lundi après-midi à l’Elysée, selon son agenda, préfèrerait se passer d’une “Google Lex” et prône “une discussion apaisée”.
“S’il peut y avoir un accord de gré à gré entre les organisations représentatives des organismes de presse et la société Google, ce serait évidemment bien mieux que d’aller alimenter des polémiques ou d’entrer dans des combats judiciaires”, indiquait-elle à l’AFP lors de son passage à Berlin le 19 octobre.
Selon le site d’information américain spécialisé Quartz – abondamment cité ce week-end par la presse française – auquel s’est confiée la ministre lors de sa visite aux Etats-Unis la semaine dernière, Fleur Pellerin préconiserait un délai de “trois mois”.
“Ce que je vais suggérer à Google et à la presse est de commencer la négociation (…) pour peut-être trois mois, et d’essayer de trouver un accord sur la base d’une négociation”, a-t-elle déclaré, notant que “les deux parties tirent avantage du trafic croisé”.
Google fait valoir qu’il redirige quatre milliards de clics par mois vers les éditeurs français.
Mais pour la présidente de l’Association de la presse d’information politique et générale Nathalie Collin, Google est avant tout une “régie publicitaire géante (…) qui engrange en France plus de 1,2 milliard (d’euros) de revenus publicitaires, contre moins de 200 millions pour toute la presse en ligne”.
“Chaque visiteur rapporte entre 40 et 50 euros par an à Google”, affirme-t-elle au Journal du Dimanche en demandant que “l’Etat (monte) en première ligne et (joue) son rôle de régulateur, comme il le fait avec le marché des télécoms”.
Les éditeurs sont divisés néanmoins sur le dossier: pour le syndicat de la presse en ligne (Spiil) qui regroupe les sites d’information sur internet, les “pures players”, tels Mediapart, Atlantico, Slate ou Rue89, une telle taxe “renforcerait l’hégémonie de Google”.
“La presse est déjà totalement dépendante de Google au niveau de l’audience, si à cela on ajoute une dépendance économique, Google pourra décider de tout”, estime le président du Spiil Maurice Botbol.
La presse brésilienne (90% des titres) qui a déjà étrenné la vie sans Google faute d’accord avec le géant américain affirme, un an après, s’en porter aussi bien – sans renoncer à trouver encore une solution négociée.