Aux grandes dames, la patrie reconnaissante. Notre panthéon national est marqué de mixité, ce qui lui donne du genre.
La République a donné à la citoyenne tunisienne un statut qui reconnaît une identité pleine et entière. Elle en récolte les dividendes, à l’heure actuelle.
Les exploits au féminin
Si la République devait se donner une effigie, j’espère que ce sera aux traits de Khaoula Rechidi. On tient notre «Marianne» tunisienne. Un jour peut-être la République adoptera un visage, mais l’on n’y est pas encore. Toutefois, je me représente Khaoula, avec son innocence juvénile, sa foi assumée, son patriotisme authentique et son engagement résolu, comme une icône nationale. Désormais, elle appartient à la mythologie tunisienne. Il faut la rajouter à la longue liste des grandes dames de notre histoire. Je pense à Elyssa Didon, à la Kahéna, à Aziza Othmana, au Dr Tawhida Ben Cheikh. Cette dernière, pionnière des gynécologues arabes, soutenait qu’en cinquante ans de métier, aucune des mamans et aucun des bébés passés par ses mains expertes n’a péri.
Pareil pour Khaoula. Elle a résisté, sans agresser. Elle a sauvé le fanion national d’être souillé, sans humilier l’auteur du forfait. Je la vois, du haut de ses vingt ans, bondir sur le toit et empêcher que l’horreur s’accomplisse. Sa conviction était si profonde qu’elle a pu immobiliser son agresseur. En somme, elle a sauvé l’anti-héros de sa propre turpitude en l’empêchant d’aller jusqu’au bout de sa bêtise. Sans brutalité et avec dignité. Son acte d’héroïsme redore notre code patriotique.
Maryam, Dame courage
Elle a subi les affres du viol, le supplice extrême, l’horreur absolue, le crime abjecte. Elle s’est redressée, refusant que son honneur soit piétiné. Elle a fait face, bravant l’opprobre. Elle s’est mise dans une posture à la Victor Hugo qui affirmait «Je serais proscrit voulant vivre debout». Elle a affronté ses bourreaux. Sa détermination est à toute épreuve. Elle poursuivra ses agresseurs, obligeant la République à se réhabiliter et à activer le droit pour que justice se fasse. Maryam a payé, mais elle a empêché que les hors-la-loi sévissent hors le droit. Le périmètre national ne sera pas l’enfer pour les femmes. Maryam a ouvert la voie. Désormais toute violée sera une tâche à la face de la République et le viol salira son auteur. Maryam a sans doute mis fin à l’impunité.
Néjiba, la pasionaria de la liberté d’expression
Elle a conduit la première grève réussie des journalistes, sur le continent africain. La cause est noble. C’est la première fois que la profession se dresse comme un seul homme, pour que soit garantie la liberté d’expression et l’accès à l’information. C’est une anti-dame de fer. Elle n’est pas inflexible. Elle est toute d’intelligence, de dialogue, de courtoisie. Mais elle ne transige pas pour la liberté de la presse. Elle a un charisme quasi naturel. Il lui suffit de s’exprimer pour gagner son auditoire à sa cause. Elle a le ton juste. Les syndicats de journalistes dans de nombreux pays ont rallié l’action du SNJT. La République est sortie grandie de cette épreuve.