Au commencement, l’homme d’affaires controversé, Kamel Eltaief, s’est vu signifier, deux jours après l’Aid El Idha, par une convocation manuscrite du poste de police de Carthage qu’il était interdit de voyage alors que le juge d’instruction n’avait même pas daigné, comme le stipule normalement la loi, ni l’informer, ni l’écouter, ni lui expliquer les motifs de cette décision.
En se rendant au juge, le lendemain (lundi), les avocats de l’homme d’affaires ont été informés que la décision a été prise suite à l’ouverture par un juge d’instruction, sur la base d’une requête déposée, il y a plus de 7 mois, par l’avocat Cherif Jebali (nahdhaoui), ancien cadre au ministère de l’Intérieur, une enquête judiciaire sur un éventuel complot contre la sûreté intérieur de l’Etat (bien sûreté de l’intérieur, ce qui exclut la sûreté extérieure du ressort de l’armée) auquel auraient participé des hommes d’affaires, de personnalités politiques et d’anciens hauts cadres de l’Etat dont Kamel Eltaïef et Neji M’hiri, d’hommes d’affaires, l’ancien ministre de la Défense et des Affaires étrangères Kamel Morjane et l’ancien ministre de l’Intérieur, Ahmed Friaa, et Me Ahmed Mansour, président d’un parti destourien. Les personnes précitées sont suspectées d’avoir comploté pour renverser le régime et pour mettre en doute la légitimité du pouvoir en place.
Informés, les médias et réseaux sociaux ont sauté sur l’affaire et ajouté, à des fins inavouables, à la liste des éventuels comploteurs, le nom de Béji Caïd Essebsi, président du parti Nidaa Tounès et ancien Premier ministre.
Depuis, l’affaire a pris une dimension éminemment politique et a été hypermédiatisée, notamment dans l’après midi et la nuit du mardi à mercredi, et a fait le tour du monde, pardon du Net.
Interpellé par le quotidien d’expression arabe Al Maghrib, le ministre de la Justice, Noureddine B’hiri, a infirmé que le nom de BCE figure sur cette liste, prétendant ignorer les détails de ce dossier qui lui a été remis et classé par la justice, il y a 7 mois.
Selon l’avocat de BCE, Abdesstatar Messaoudi, qui était interviewé, ce mercredi 31 octobre, par Radio Express Fm, cette affaire a des «relents politiques» et vise à déstabiliser BCE dont «le parti ne cesse de s’imposer dans le pays comme une force politique incontournable».
L’homme d’affaires Kamel Eltaief est de cet avis. Il a déclaré à la même radio que cette affaire est «par excellence politique» et regretté le recours à de telles procédures qui augurent du retour des procès politiques dans le pays, ce qui constitue, à ses yeux, un indice «très grave».
Il a rappelé que cette affaire, c’est du «réchauffé», en ce sens où l’avocat Cherif Jebali l’avait, déjà, poursuivi en justice, pour les mêmes motifs, il y a 7 mois, et que l’affaire avait été classée et qu’il dispose de documents le prouvant, «s’interrogeant sur la qualité institutionnelle de cet avocat qui l’habilite à faire des requêtes de ce type».
Pour mémoire, la requête a été faite sur la base de l’article 31 du Code des procédures pénales selon lequel le ministère public, en présence d’une plainte insuffisamment motivée ou insuffisamment justifiée, peut requérir du juge d’instruction qu’il soit provisoirement informé contre inconnu, et ce jusqu’au moment où peuvent intervenir des inculpations ou s’il y a lieu de nouvelles réquisitions contre personne dénommée.
Pour revenir au contenu de la requête, les avocats qui ont eu accès au dossier estiment qu’il ne «comporterait pas d’accusations bien déterminées et qu’il s’agirait, tout au plus, d’un ensemble de communications téléphoniques entre des Tunisiens qui se connaissent».
La question qui se pose dès lors, c’est pourquoi cette décision de réactiver, en ce moment même, un dossier juridiquement classé (déclaration de Kamel Eltaief) et dont Lotfi Zitoun, ministre conseiller auprès du chef du gouvernement et d’autres dirigeants nahdhaouis en avaient fait, en vain, il y a plus de 7 mois, un argumentaire de taille pour crier au complot contre la Troïka?
S’agit-il une d’autre diversion des nahdhaouis dans l’objectif de détourner l’attention des Tunisiens des véritables problèmes qui les concernent, et surtout, du débat lassant qui prévaut actuellement à l’Assemblée nationale constituante sur des thèmes discutées, des mois et des mois, au sein des commissions?
Ce qui est certain, c’est que cette la tendance de la Troïka à gagner du temps et à créer de faux problèmes n’est plus à démontrer.