Nous nous sommes amusés à visiter une banque la veille de l’Aïd El Kébir. Un jour de grande affluence. Ce que nous avons vu n’est pas là pour dire que la clientèle est bien choyée côté de service. Loin s’en faut!
Mercredi 24 octobre 2012. 7 heures 50. Une grande artère du centre ville de Tunis. Une petite foule commence à se constituer devant une agence bancaire censée être une vitrine de la maison-mère: une grande institution bancaire de la place.
Rush sur un guichet. Et surprise: aucun agent n’est là pour délivrer les extraits de compte. L’adjoint au chef d’agence, qui occupe un bureau au fond du rez-de-chaussée, accourt vers le guichet. Il allume l’ordinateur et commence à servir une clientèle pressée.
Cinq minutes passent –montre en main- entre l’ouverture des portes de l’agence et le premier client servi. La personne préposée à ce guichet arrive –toujours montre en main- avec 7 minutes de retard. Elle se débarrasse de sa veste en coton et prend le relai de son supérieur hiérarchique qui la regarde drôlement. L’air de lui dire: «Et si vous veniez un peu plus tôt». Comme si ce dernier n’était pas là -et par ce jour de grande affluence à la veille de l’Aïd El Kébir-, notre agent de comptoir n’a qu’une idée en tête: envoyer un employé, qui donne l’impression de faire le «chaouch», lui chercher un «Capucin sans mousse».
Le désert le plus total !
Notre homme cherche à faire sa requête en douceur. Mais rien n’y fait. Les clients observent le bazar. Cela dit, son capucin arrive. Il le loge dans un casier invisible à l’œil des clients, le sirotant de temps en temps.
Dans un box à côté, qui tient apparemment lieu de caisse, le caissier est là. Mais ce dernier fume déjà une cigarette sans ce soucier s’il a peut-être, dans la longue file d’attente qui se dresse face à lui, des personnes asthmatiques ou des personnes atteintes d’une toute autre maladie des poumons.
Il s’agit en effet apparemment d’une caisse parce que rien n’indique qu’il s’agit d’une caisse. A ce propos, vous avez beau faire tout le tour de l’agence, rares sont signalés les services rendus à la clientèle. Vous vous devez de poser des questions pour pouvoir vous orienter.
Ni une plaque ni encore un carton écrit de la main ne nous dit qu’il s’agit là d’une caisse, ici de la délivrance d’extraits, d’opérations virements ou encore d’opérations relatives à l’ouverture d’un compte d’épargne. Tout aussi bien au niveau du rez-de-chaussée qu’à celui du premier étage de l’agence, aucune plaque signalétique n’est là pour identifier les différents espaces assurant les services bancaires fournis à la clientèle. C’est le désert le plus total!
Excusez-nous! Derrière le comptoir, on peut apercevoir une table sur laquelle est posé un chevalet portant nom qui nous dit que là se font les ouvertures de comptes bancaires. Ce qui signifie que le client doit traverser le guichet pour aller réaliser l’ouverture d’un compte dans la zone dite du «back-office» de l’agence! Donc, non accessibles aux clients.
Aucun agent ne porte un badge
Inutile de préciser que vous trouverez toujours un agent déambulant sans cravate et avec une barbe de deux à trois jours. Aucun agent ne porte a fortiori un badge sur lequel est inscrit son nom.
Scène ordinaire dans une agence bancaire tunisienne diriez-vous? Certes, mais quels dégâts pour l’image de la banque, pour sa notoriété, mais aussi pour la discipline qui y règne.
Eliminons très vite du champ de notre analyse cette histoire de discipline. Car, il faut le reconnaître, nombre d’employés, et bien au-delà des banques, ont compris la révolution du 14 janvier 2011 à travers un nouveau prisme: celui d’un affranchissement de toute obligation, de toute norme, de toute contrainte quelles qu’elles soient.
Et les supérieurs hiérarchiques n’y peuvent rien. Le mal est devenu endémique. Ceux qui veulent le combattre risquent toujours de se voir dire: «Dégage!» En témoignent les absences répétées, les retards persistants, les manquements aux devoirs… Est-ce être contre-révolutionnaire que de le dire?
Des milliers de dinars versés
Revenons à la scène décrite plus haut pour insister qu’elle contrevient aux règles les plus élémentaires de la qualité de service. Pourtant, les banques semblent être très sensibles à cet aspect des choses. Des milliers de dinars ont été versés pour sensibiliser les agents à l’importance de l’accueil tant physique que téléphonique.
Des formations qui ont fait le tour des fonctions et missions de l’accueil: de la réception à l’orientation en passant par l’information. Des formations au cours desquelles ont été inculquées les bonnes règles comme la courtoisie, l’empathie ou encore la reformulation.
Et dire aussi, et pour le cas précisément de cette agence d’une banque publique décrite plus haut, l’Etat a mis en place le Label Marhaba pour améliorer l’accueil dans le service public. Une rapide lecture de ce Label, géré par l’INNORPI (Institut national de la normalisation et de la propriété industrielle), et notamment son chapitre 3 (Spécifications applicables) montre qu’il y a solution à tous les travers décrits plus haut.