Dans l’aviation civile, accorder la cinquième liberté à un pays -car cette liberté s’accorde à un pays et non à une compagnie-, c’est quelque chose de très important et marque un tournant décisif.
En effet, la cinquième liberté est bien plus que l’Open Sky. Car si ce dernier donne la liberté de programmer des vols entre le pays d’origine de la compagnie et la Tunisie, une cinquième liberté accordée au Qatar donne la possibilité à toute compagnie qatarie d’embarquer et de débarquer des voyageurs de tout aéroport tunisien, et ce quelle que soit la destination sans que cela ne soit limité au Qatar comme cela est le cas actuellement ou comme il le serait dans le cas de l’Open Sky.
La cinquième liberté est généralement accordée par les pays qui ne disposent pas de compagnie aérienne où dont la compagnie aérienne n’est pas solide et ne peut satisfaire la demande de sa clientèle. Ainsi cela a été le cas de Tunisair avec le Mali, et Tunisair a ainsi pu transporter des voyageurs entre Bamako et Abidjan. Cependant, Tunisair n’a pas vraiment profité des opportunités offertes par l’Afrique subsaharienne, que ce soit avec le Mali ou avec la Mauritanie où elle gérait Mauritania Airways.
Avec la cinquième liberté, Qatar Airways aura la latitude d’organiser des vols concurrents à ceux de Tunisair, sur toute destination desservies par Tunisair et non pas uniquement sur le Qatar, de sorte que les difficultés auxquelles Tunisair fait actuellement face vont devenir de plus en plus importantes, et notre compagnie nationale, qui aura un concurrent direct, ne pourra jamais y faire face.
Sans avoir la possibilité de faire face à cette concurrence, Tunisair s’enfoncera de plus en plus et risquera de ne pouvoir résister, longtemps. En conséquence, il y a de fortes chances qu’elle fasse faillite ou soit mise à la vente. Dans les deux cas de figure, tout ou partie du personnel de Tunisair viendrait renflouer les rangs des chômeurs tunisiens. En raison de ces difficultés, Tunisair sera bradée car personne ne voudra d’une entreprise qui croule sous le poids du personnel, dont le déficit est chronique et dont l’actionnaire principale, l’Etat, reste impassible devant les appels au secours tout en imposant un concurrent auquel il est quasiment impossible de faire face.
Même Qatar Airways, que tout le monde annonce comme l’acquéreur potentiel de Tunisair, n’acceptera plus de l’acheter vu qu’elle (Qatar Airlines) peut planifier ses vols à partir de Tunisie sans contraintes et n’aura aucun intérêt de s’accrocher un boulet.
Le seul intérêt que présenterait Tunisair, dans ce cas, serait les créneaux de vols dont elle dispose, et principalement ceux relatifs aux aéroports saturés, car ces créneaux là ont leur pesant d’or. Ce sera l’unique intérêt que présentera Tunisair alors que l’acquéreur risque de les prendre pour les utiliser sur une autre destination plus rentable plutôt que de les maintenir sur la Tunisie.
Ainsi, pour la Tunisie, la cinquième liberté avec le Qatar n’aurait pour seul intérêt qu’une programmation en complémentarité avec Tunisair en limitant les vols qataris vers les seules destinations que Tunisair n’effectue pas actuellement et n’envisage pas d’effectuer à court ou moyen terme et de programmer ces vols non pas à partir de Tunis, mais plutôt à partir des aéroports régionaux et plus particulièrement celui d’Enfidha avec pour objectif de faire de la Tunisie un hub entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe en accompagnant cela par l’installation d’un grand centre commercial accessible à partir de l’aéroport d’Enfidha afin que les voyageurs en transit et ceux à destination de Tunis puissent faire leur shopping et développer, par la même occasion, les affaires économiques tunisiennes.
Cependant, et tant qu’il est encore temps, le gouvernement tunisien devrait renoncer à accorder cette cinquième liberté au Qatar et entamer au plus tôt un plan de relance et de restructuration de Tunisair comme cela a été le cas de la RAM (Royal Air Maroc), il y a un peu plus de dix ans, plan qui a permis à cette dernière de devenir un leader africain du transport aérien qui a pu résister à l’Open Sky. Il y a moins de vingt ans, la RAM avait tout à envier à Tunisair (confort des avions, qualité de service…), ce qui n’est plus le cas actuellement, bien au contraire.
Ce plan de redressement de Tunisair devra être réalisé avec la participation de toutes les parties prenantes, y compris les représentants du personnel. Il devra avoir pour objectif de faire de Tunisair une entreprise compétitive et largement bénéficiaire sur un horizon de deux à quatre ans maximum en prenant en considération l’entrée en vigueur de l’Open Sky sur un horizon de deux ans. Ce plan de redressement devra aussi trouver une solution aux décisions prises par le gouvernement Ghannouchi en 2011 et contraires à toute logique de compétitivité dont l’intégration des filiales.
Enfin, il est surprenant de voir la cinquième liberté accordée au Qatar alors que le gouvernement évite de négocier l’Open Sky et refuse des créneaux de vols à des compagnies nationales.