Le livre a beau être une nourriture de l’esprit, il n’est pas moins un bien comme un autre qui se doit de nourrir son vendeur et tous ceux qui participent à le mettre à la disposition du public.
Radioscopie de défaillances à la pelle en matière de vente de livres en Tunisie.
«Il y a quelques années, je m’étais arrêté dans une librairie de Beyrouth (Liban) pour acheter un livre, j’en suis sorti avec trois livres. La vendeuse m’avait largement convaincu qu’il fallait que j’en achète donc deux autres», se souvient Othman, un historien tunisien enseignant dans une faculté au centre de la Tunisie.
Ce témoignage en dit long à l’heure où se tient à Tunis la 29ème édition de la Foire du livre de Tunis (du 2 au 11 novembre 2012) sur le fait que le livre a beau être une nourriture de l’esprit, il n’est pas moins un bien comme un autre qui se doit de nourrir et son vendeur et tous ceux qui participent à le mettre à la disposition du public (éditeur, distributeur, agences de communication, créateurs d’événements…).
La fréquentation d’éditeurs moyen-orientaux pendant la tenue de la Foire du livre de Tunis ou pendant d’autres manifestations analogues permet de vérifier cette réalité tant ces derniers savent promouvoir leurs produits et les écouler.
Tous les détails sont importants
Car la vente d’un livre est, à l’instar de n’importe quel autre produit de consommation, une affaire qui se construit et dans laquelle toutes les étapes et tous les détails sont importants.
Cela commence par la décision d’éditer tel ou tel autre livre. Le choix du thème ou de l’histoire qui va constituer la trame du livre va être déterminant. Souvent il est nécessaire que le thème ou encore l’histoire épousent l’air du temps. En matière de livre, les modes existent et s’imposent à tous. Ainsi, au sortir de la destruction du Mur de Berlin en 1989, la mode était aux livres racontant les errements de l’ancien bloc soviétique. Il faut dire que les langues s’étaient alors déliées pour raconter les affres de systèmes politiques dictatoriaux ennemis de la liberté.
La définition du produit terminée, vient le tour du prix. Des éditions de luxe faites pour être offertes aux livres de poche consommés dans les moyens de transport ou vendus pour élèves et étudiants, il y en a pour toutes les bourses. Sans oublier les bouquinistes auprès desquels s’approvisionnent les plus humbles. Et les promotions à répétition (réduction de prix, vente jumelées…).
Aucun point de vente n’est négligé
Arrive ensuite le troisième P (Place, comprenez distribution). Librairies, bouquinistes, supermarchés, kiosques à journaux ou encore stations de service et même gares routières et aéroports, aucun point de vente n’est négligé, souvent attractifs avec présentoirs et affichettes.
Enfin le quatrième P (Promotion). Et c’est là où le bât blesse le plus dans notre pays. Il suffit d’aller acheter un livre pour se rendre compte que rien n’encourage à l’achat. Si notre universitaire cité plus haut a acheté trois livres dans une librairie au lieu d’un, c’est que la vendeuse avait bien du talent.
En se rendant dans certaines librairies à Tunis ou dans d’autres librairies du pays, on peut remarquer que les vendeurs peuvent faire tout autre métier, mais ne sont pas bons pour la vente des livres. Ignorant tout des livres et de leurs auteurs, ils ne sont pas capables de donner une quelconque envie pour l’acquisition des ouvrages qu’ils proposent.
Des librairies devenues des gargotes
Nous sommes bien loin de ces vendeurs forts en thème qui connaissent sur le bout des doigts les livres qu’ils vendent et qui sont souvent capables de tenir des discussions sur les thématiques que ces ouvrages ou romans développent.
Mais il y aurait plus grave: le taux d’exposition du citoyen à la lecture. Le nombre des bibliothèques publiques ou privées (notamment celles installées dans des entreprises) et les librairies est faible ramené au nombre de la population.
Avez-vous remarqué que nombre de locaux commerciaux accueillant il y a quelques années des librairies ont été remplacés par des magasins de vêtements ou encore de chaussures s’il ne s’agit pas de gargotes. Ce qui veut tout dire!