Compétitivité : mesures significatives, peut-être trop tardives

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ée nationale, le 6 novembre 2012 à Paris (Photo : Patrick Kovarik)

[06/11/2012 19:29:52] PARIS (AFP) Les mesures pour relancer la compétitivité des entreprises annoncées mardi par Jean-Marc Ayrault sont plutôt bien accueillies chez les économistes de tout bord, même s’ils voient d’un mauvais oeil que rien ne tombe dans la poche des entreprises avant 2014.

“Si on juge par rapport au diagnostic qui est dressé de la situation et sous réserve que le crédit d’impôts de 20 milliards d’euros fonctionne”, les mesures annoncées mardi “sont une bonne orientation, un effort significatif”, résume Christian Saint-Etienne, économiste professeur à l’Université de Dauphine.

Alain Trannoy, directeur de recherche à l’EHESS, juge en outre “astucieux” le mécanisme de crédits d’impôts choisi par le gouvernement pour aider les entreprises.

“Plus la masse salariale sera importante, plus on aura droit à un crédit d’impot sur l’impôt sur les sociétés”, commente-t-il.

“On est en train de transformer l’impôt sur les sociétés, qui est en principe assis sur les profits, en un impôt qui va corriger les prélèvements obligatoires que représentent les cotisations patronales, voire salariales”, ajoute l’économiste, y voyant un “mécanisme extrêmement original”.

Le choix d’apporter 20 milliards d’euros par an d’aides aux entreprises sous cette forme avec une montée en charge à partir de 2014 est également salué par l’économiste Elie Cohen, soutien de François Hollande pendant la campagne.

C’est “un élément non négligeable, dont il faut tenir compte et qui manifeste que, malgré tout, le gouvernement veut faire quelque chose en matière de compétitivité”, commente-t-il.

Pour autant, il déplore l’absence d’effets immédiats.

“Quand on fait un tableau très alarmiste de la situation, qu’on explique que les marges s’effondrent, que les parts de marché s’effondrent, qu’on est champion d’Europe de la désindustrialisation, on s’attend à des mesures qui aillent corriger cet effondrement historique et là, on ne les voit pas trop”, dit-il.

De fait, confirme Alain Trannoy, “en 2013, en trésorerie pour les entreprises, il n’y a absolument rien, pas de ballon d’oxygène”. Selon lui, ce délai valide néanmoins le choix du crédit d’impôt: cela va “permettre aux banques d’anticiper le ballon d’oxygène de 2014”.

“Pour un compte d’exploitation dégradé, cette année, sur la foi du crédit d’impôt 2014, ça peut encourager les banques à accorder un découvert bancaire”, détaille l’économiste.

Mais, nuance M. Saint-Etienne, “si on veut aider des entreprises, il faut qu’elles soient vivantes quand on veut les aider”, c’est-à-dire qu’elles traversent 2013 sans encombre, alors que, selon lui, la conjoncture dans la zone euro “va être catastrophique au premier semestre”.

D’ailleurs, estime-t-il, il est “possible” que le gouvernement soit contraint de recourir finalement à un transfert de cotisations patronales sur la fiscalité “dès le printemps 2013”, alors qu’il a trouvé un autre mécanisme pour mener à bien son coup de pouce aux entreprises.

En attendant, “la grande nouvelle, c’est qu’on ne touche pas à la CSG”, observe Alain Trannoy. Une manière, selon lui, de ménager les syndicats dans le cadre de la négociation sur le marché du travail.

Il anticipe toutefois “des résistances dans la majorité car le relèvement de la TVA est généralement considérée comme une mesure de droite”.

Pour l’économiste, le gouvernement ne fera “passer la pilule” qu’en engageant assez vite la fusion annoncée entre l’impôt sur le revenu et la CSG afin que celle-ci devienne progressive et non proportionnelle comme elle l’est aujourd’hui.

Quant aux autres mesures annoncées par M. Ayrault, généralement classées dans la catégorie dite “hors coût”, M. Cohen les balaye d’un revers de la main: “il faut être sérieux! Mme Edith Cresson, déjà, voulait développer l’apprentissage. Y-a-t-il un plan gouvernemental où il n’y a pas de simplifications administratives, où on ne dit pas qu’on va stimuler exportations et innovation ?”