Le peuple américain a voté prudent. Il a privilégié le «diable» qu’il connaît. Barack a la Baraka et rempile pour 4 ans de plus. «Four more years», c’est exactement le délai pendant lequel on peut conquérir le cœur des Américains. Pour cela, il nous faut réussir la transition et devenir un Etat démocratique. Belle coïncidence, notre challenge coïncide avec le mot d’ordre d’Obama: «Forward». Pour nous aussi, la consigne est «En avant!», toutes.
En politique, tout dirigeant averti n’exhibe jamais toutes ses armes devant son adversaire. L’esprit tactique dicte à tout compétiteur de garder son arme secrète à l’abri. En bon langage populaire de chez nous, cela se dit «garder son diable dans la poche». Et pour Barak Obama, c’était tombé pile, car l’affaire était «In the pocket».
«Sandy», les Swing States, les «non-white» et les femmes
Barack Obama fait de bons calculs d’épicier. Il sait additionner les supporters et les ranger à ses côtés. Sa bonne étoile a fait le reste. L’ouragan «Sandy», qui a balayé la côte est, l’a confirmé dans son rôle de président réactif et l’a maintenu debout face à l’adversité. Les Swing States, ces Etats sans étiquette politique, ne lui ont pas davantage résisté. Le président candidat les a littéralement quadrillés. Le terrain et rien que le terrain, cela finit par payer.
En dehors de la Caroline du Nord qui lui a tourné le dos, les six autres ont basculé. Les «non white» ont pour la deuxième fois voté présents à côté de leur «champion». Et, les femmes, à 55% ont été aux côtés du libérateur de l’IVG (Interruption volontaire de grossesse).
Il convient de signaler au passage que les Tunisiennes bénéficient de cet acquis depuis l’institution du Planning familial chez nous, soit le début des «sixties».
Au final, le président de la couverture sociale obligatoire pour tous aura été un sacré diable de président. Homme de couleur, il se met en tête, au pays de la «Case de l’Oncle Tom». Pas bien nanti, il gagne au pays de l’Oncle Sam et du «When dollar walks, nobody talks», ce qui donne littéralement (rien ne résiste au pouvoir de l’argent). Et, au pays des riches, il s’occupe prioritairement des pauvres. Et il cartonne. Si ce n’est pas un exploit, cela lui ressemble. Notre confrère le Herald Tribune a résumé la campagne en disant «the race that deepened the divide», ce qui littéralement signifie «Une course à la Maison Blanche qui a encore creusé le fossé entre Américains». Et, dans cette tourmente, Barack Obama parvient sur un thème social à unir l’Amérique. Il assène par la même une gifle assommante aux tenants du courant libéral.
Le «Call» et les bonnes mœurs américaines…
Au point du jour, à 5 h 17’ du matin, de notre côté de la planète et du fait du décalage horaire, nous avons découvert le nom du nouveau président. En Amérique, la victoire n’est validée qu’une fois le candidat défait félicite le vainqueur. Et c’est seulement après que Mitt Romney a reconnu sa défaite que le président Obama s’est montré à ses supporters et aux Américains –et au monde entier. Ce sont là de bonnes pratiques.
Elles ont eu lieu en Tunisie à deux reprises. On aimerait les voir se perpétuer. La première fois, c’était quand Tahar Ben Ammar, Premier ministre sortant, après avoir signé le protocole d’indépendance, a félicité Habib Bourguiba, appelé par le Bey pour former le premier gouvernement de la Tunisie indépendante. Et la deuxième fois c’était à l’initiative de BCE qui a rendu le tablier dés que les urnes eurent parlé le 23 octobre 2011 faisant émerger une nouvelle physionomie de la scène politique nationale. Et, point de détail à 5 h 17’, le résultat n’était pas sorti des urnes américaines mais des chaînes de télévision. Je m’en tiens au choix de mon pays et vivement une ISIE indépendante, trait d’exception nationale. L’Amérique fait rêver mais sur le coup, je préfère les us et coutumes de mon pays.
Réactiver le discours du Caire
«Four more years», quatre ans de plus au Bureau ovale suffiront-ils à infléchir la politique étrangère des Etats-Unis? Rien n’est moins sûr. Que seront donc les relations de la Tunisie et, par delà, du monde arabe avec l’Amérique d’Obama? Pour compter en Amérique, il faut posséder son propre lobby, son propre réseau d’influence et battre le pavé. Rien de tout cela n’est à notre portée. Que nous reste-t-il alors? C’est tout simple, il nous faut faire un parcours sans faute pour la transition démocratique.
Tête de pont du printemps arabe, nous sommes dans cette position si flatteuse et si délicate, celle à la fois du premier de la classe et de l’élève modèle. A supposer que l’on saute le pas. Que peut nous rapporter la démocratie? Nous pourrons réactiver l’état d’esprit du discours du Caire du président Obama. Entre autres éléments, nous serons en meilleure posture pour faire entrer la question israélo-palestinienne dans un cercle vertueux. La Tunisie, devanture irréprochable du monde arabe, pèsera lourd. Nous ferons jeu égal et ce sera un atout majeur pour faire avancer la solution «la terre, contre la paix».
Et, au plan économique? Nous n’aurons pas, à l’évidence et par un coup de baguette magique, acquis un plus grand standing économique. Nous aurons, cependant, acquis un meilleur crédit qui fera de la Tunisie un partenaire technologique, apaisant. Les Américains n’auront plus rien à craindre de faire avancer la coopération scientifique et technologique, ce qui pourra booster l’économie du savoir dans notre pays. Nous rappelons au demeurant que la Tunisie était présente le jour du scrutin, sur le campus de Berckley, grâce à une start-up, «Cifco», lauréate d’un prix américain dans le cadre du programme NAPEO.
A présent que nous avons mérité notre place, pourrons-nous la conserver ? Le temps nous est compté. Nous disposons de quatre années pour le faire. Le compte à rebours a démarré ce matin, à l’aube!