Pour ce qui des contraintes, l’étude en distingue deux effectives et certaines potentielles. Pour les contraintes effectives, les experts pointent du doigt, d’abord, «l’absence d’institutions efficaces» chargées d’assurer l’obligation du secteur public de rendre des comptes, l’Etat de droit et l’efficacité du système de contrepoids, se traduisant par une protection insuffisante des droits de propriété, par des barrières à l’entrée et par la corruption».
Essentiels à l’entrepreneuriat, à l’investissement, à la prise de risque, à l’innovation, et, partant, à une croissance de la productivité, des rémunérations et à une élévation du niveau de vie, les droits de propriété et la liberté d’investissement ont été bafoués sous l’ancien régime.
Sont ensuite incriminés «les coûts élevés de nature budgétaire et réglementaire de l’emploi des travailleurs». Dont en particulier des charges fiscales parmi les plus lourdes au monde et des formalités de licenciement strictes. Un fardeau qui entrave la croissance des entreprises qui sont contraintes à lever le pied en matière d’investissement, donc à ne pas créer d’emplois «acceptables», préférant le recours à l’emploi informel non déclaré. Une situation qui, insiste le rapport, inhibe l’innovation et la croissance de la productivité et affaiblit la compétitivité des entreprises tunisiennes à l’échelle internationale.
Pour y pallier, les experts de MCC (Millenium Challenge Corporation) mettent en avant l’idée d’un nouveau pacte social dont la conclusion nécessite «d’entamer un dialogue national qui associe les représentants de la société civile auparavant exclus» et «reconnaît l’importance du secteur privé comme moteur de croissance et d’emplois».
L’étude propose également d’apporter des changements aux systèmes de sécurité sociale et de protection du marché du travail «afin de protéger les individus plutôt que des emplois spécifiques ».
MCC relève aussi des risques «apparus depuis la révolution, qui pourraient se muer à leur tour en obstacles s’ils ne sont pas éliminés correctement». Le premier d’entre des risques ce sont les troubles sociaux qui, s’ils perdurent et se généralisent, «pourraient décourager l’investissement dans les années à venir».
Le second, c’est «le risque d’instabilité macroéconomique susceptible d’apparaître si les pressions sociales et économiques viennent à bout de l’engagement de l’Etat pour la viabilité budgétaire».
S’ajoute à cela «la nature problématique du secteur financier», la faible qualité du système éducatif, la gestion des ressources en eau, etc. Autant de problèmes qui, pour l’instant, «ne sont pas réellement contraignants», mais qui risquent de le devenir en s’aggravant.
Du côté tunisien, l’étude de Millenium Challenge Corporation est loin de faire l’unanimité. Des experts locaux à qui elle a été soumise pour évaluation et commentaire en ont critiqué l’orientation idéologique et la démarche. Le principal reproche formulé concerne la propension de MCC à croire que la solution aux problèmes de la Tunisie réside dans la recherche de moyens pour doper la croissance économique. Les experts tunisiens ayant pris connaissance de l’étude soutiennent, eux, que le problème de la Tunisie ne réside pas tant dans un déficit de croissance mais plutôt dans un manque de développement dont les fruits sont, de surcroît, inégalement répartis. Ce dont, paradoxalement, les experts de MCC –qui focalisent par ailleurs sur le problème de la croissance- conviennent. Ceux-ci n’ont-ils pas, en effet, constaté que «la Tunisie s’était (…) hissée à un niveau satisfaisant de croissance économique, de près de 5% en moyenne par an» et que «cette apparente réussite masquait (…) les faiblesses inhérentes au modèle de développement du pays».