Fiscalité : comment les multinationales échappent à l’impôt

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à Tokyo (Photo : Yoshikazu Tsuno)

[13/11/2012 10:37:55] PARIS (AFP) Les multinationales adeptes de l’optimisation fiscale sont dans le collimateur du fisc en France comme en Grande-Bretagne, certaines échappant à l’impôt sur les sociétés malgré une activité locale florissante.

Le chiffre d’affaires de ces entreprises pour la France est très compliqué à cerner. Les analystes se contentent donc d’extrapoler.

Ainsi, Google aurait réalisé l’an passé dans l’Hexagone un chiffre d’affaires de 1,25 à 1,4 milliard d’euros, selon les estimations.

Cependant, ses revenus déclarés en France pour l’année 2011 représentaient 138,4 millions d’euros. Et il a acquitté 5,4 millions au titre de l’impôt sur les sociétés.

Pour sa part, Microsoft a payé 21,6 millions d’impôts pour un chiffre d’affaires de 493 millions. Quant à Apple et Facebook, ils ont respectivement déboursé 6,7 millions d’impôts (c.a. de 52 millions) et 117.241 euros d’impôts (c.a. de 4,9 millions).

“Ces chiffres sont très surprenants quand on connaît le chiffre d’affaires réel” de ces entreprises de l’internet, estime Eric Vernier, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques et spécialiste du blanchiment de capitaux.

“On estime qu’il y a sur ces entreprises, et quelques autres, entre 500 millions et 1 milliard de pertes fiscales par an pour la France”, ajoute-t-il.

Grâce à une série de montages financiers, baptisés “sandwich hollandais” ou “double irlandais”, Google ne paye qu’un très faible pourcentage d’impôts: la quasi totalité des revenus déclarés en Irlande, après un passage aux Pays-Bas via une société intermédiaire, est transférée dans le paradis fiscal des Bermudes où est située la filiale Google Ireland Holdings.

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ésident de Starbucks Howard Schultz devant le premier café-boutique de la chaîne en France, le 15 janvier 2004 à Paris (Photo : Pierre Verdy)

Le distributeur américain en ligne Amazon.com est lui aussi visé. Le fisc français lui réclame 252 millions de dollars (200 millions d’euros) en arriérés d’impôts et en pénalités pour les années 2006-2010, estimant que les recettes des activités commerciales françaises sont allouées au siège européen du groupe au Luxembourg, où la fiscalité est plus légère.

Et les géants de l’internet ne sont pas les seuls à payer très peu voire pas d’impôt.

“Véritable bijou”

Présent depuis huit ans en France, la chaîne de cafés Starbucks n’a jamais payé d’impôt sur les sociétés, faute de bénéfice publié, et ce malgré des déclarations du patron Howard Schulz assurant que le groupe ne fait plus de pertes dans le pays.

Dans les faits, le groupe a perdu 2,5 millions d’euros en France en 2011, mais après avoir versé une redevance de 6% de son chiffre d’affaires, soit environ 4,35 millions d’euros, à une structure néerlandaise, notamment pour l’utilisation de sa marque.

Cette société basée à Amsterdam emploie “plus de 200 personnes” et assure “énormément de services support pour la finance, la comptabilité ou le design”, justifie Olivier de Mendez, le directeur de la communication.

“Notre objectif n’est pas de rester déficitaires”, mais “de devenir très rapidement bénéficiaires, et si cela veut dire qu’après, on paiera des impôts sur les bénéfices, on sera ravis de le faire”, a-t-il assuré à l’AFP.

De son côté, la chaîne de restaurants KFC, enseigne du géant américain Yum, reconnaît ne pas avoir dû payer d’IS en France depuis qu’il s’est lancé à la conquête de ce marché il y a dix ans, en dehors des sommes versées directement par les franchisés au fisc.

“KFC France ne paie pas d’impôt sur les sociétés car il a d’importants déficits indéfiniment reportables”, explique à l’AFP Isabelle Tourenne, contrôleur financier pour le groupe.

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Le logo du groupe Kentucky Fried Chicken (KFC) (Photo : Eric Piermont)

La chaîne peut faire jouer auprès du fisc, pendant des années, les investissements qui lui ont permis d’ouvrir plus de 140 restaurants, financés notamment par la maison-mère, à laquelle KFC France reverse intérêts et droit d’usage de la marque.

Ce “déficit reportable” ne signifie pas qu’en France les affaires du roi du poulet frit vont mal: lors d’une réunion d’investisseurs en décembre 2011, le dirigeant de Yum, David Novak, les qualifiait de “véritable bijou”.

“Cela m’amuse toujours de dire à mes amis que le (restaurant) KFC qui vend le mieux au monde n’est pas situé à Louisville dans le Kentucky, mais en fait à Lyon et à Paris”, ajoutait-il.

Lundi, des responsables de Starbucks, Amazon et Google ont dû détailler comment ces multinationales américaines paient un minimum d’impôts en Grande-Bretagne, devant des députés visiblement peu convaincus par leurs explications.