L’argent russe restera à Chypre, avec ou sans plan de sauvetage européen

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à Limassol aux côtés des drapreux grec, européen et chypriote, le 9 novembre 2012 (Photo : Patrick Baz)

[14/11/2012 10:29:10] LIMASSOL (Chypre) (AFP) Des annonces immobilières en lettres cyrilliques, une radio, des journaux, et même des écoles russes: dans la ville balnéaire de Limassol (sud), il est aisé de deviner l’identité du premier investisseur étranger de Chypre.

L’origine qualifiée de douteuse des 26 milliards de dollars de fonds russes déposés dans les banques chypriotes — un chiffre qui dépasse de loin le PIB de 17 milliards de dollars de l’île — risque de poser problème à l’île en pleine récession.

Selon un rapport des services de renseignements allemands cité la semaine dernière par le magazine Der Spiegel, un plan de sauvetage de l’Union européenne risquerait de servir à garantir des fonds mafieux russes — ce qui pose un dilemme aux ministres des Finances européens.

Mais Chypre n’a pas de crainte: avec ou sans plan de sauvetage européen, l’argent russe, arrivant par le biais de l’Etat ou d’investisseurs privés, semble destiné à rester.

Les acheteurs russes pèsent lourd dans l’économie locale, notamment l’immobilier de luxe.

“Dans la tranche allant de 500.000 à deux millions d’euros, le marché est composé majoritairement d’acheteurs russes et européens”, affirme à l’AFP Peter Christofi, de l’agence immobilière Antonis Loizou.

“Le haut du marché, — les résidences à plus de deux millions d’euros — attire des acheteurs originaires de Russie et d’autres pays de la Communauté des Etats indépendants”, précise-t-il.

Beaucoup de Russes s’installent à long terme, acquérant la nationalité chypriote et contribuant largement à l’activité économique de l’île.

“Je suis vraiment tombée amoureuse de cet endroit”, affirme Karina Luneva, venue travailler et étudier à Chypre où elle a acheté une maison il y a sept ans.

Elle ne tarit pas d’éloges sur “le climat magnifique, la population amicale, l’environnement agréable et le faible taux de criminalité” de l’île, et ne compte pas retourner en Russie.

Environ 50.000 Russes habiteraient à Chypre, soit 5% de la population. Une communauté plus réduite est également présente dans la partie nord de l’île, occupée par la Turquie.

Ceux qui demandent à acquérir la nationalité chypriotes sont “les femmes russes qui épousent des (chypriotes) (…), et les Russes les plus riches”, affirme Mme Luneva.

L’acquisition d’une propriété de plus de 300.000 euros garantit l’obtention d’un permis de séjour permanent à Chypre.

“Liens culturels”

Andreas Theophanous, économiste à l’Université de Nicosie, s’est dit peu inquiet de l’impact des informations publiées par le Spiegel.

“Nous avons toutes les réglementations et le cadre légal” nécessaires pour nous assurer que les investissements russes à Chypre sont sains — des garde-fous dont l’efficacité est néanmoins contestée au sein des cercles européens.

M. Theophanous a mis l’accent sur les “liens culturels” entre la Russie et Chypre, qui, au delà du faible impôt d’imposition pour les sociétés (10%), poussent les Russes à placer leurs fonds à Chypre.

Les Chypriotes grecs sont très majoritairement de confession orthodoxe, comme les Russes, et nombre de cadres et politiciens, à commencer par le président chypriote, le communiste Demetris Christofias, ont fait leurs études à Moscou.

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à Chypre, le 9 novembre 2012 à Limassol (Photo : Patrick Baz)

La Russie a accordé à l’île méditerranéenne un prêt de 2,5 milliards d’euros l’an passé. Et si Moscou n’a pas explicitement répondu à la demande de Nicosie, qui a sollicité 5 milliards d’euros supplémentaires en août, le Spiegel a souligné que la Russie avait intérêt à soutenir l’île pour protéger ses investissements.

Les investissements directs russes à Chypre, en augmentation, ont atteint 1,5 milliard d’euros en 2011, selon des chiffres fournis à l’AFP par la banque centrale.

Et ce n’est pas prêt de s’arrêter.

Selon le journal chypriote Alithia, l’île négocie actuellement un prêt d’un milliard d’euros auprès de banques russes afin de mener à bien des explorations pétrolières et gazières.