[15/11/2012 18:54:23] PARIS (AFP) La délicate négociation pour réformer le marché du travail est entrée dans le vif jeudi, sur la base d’un texte patronal jugé “incompréhensible” et “déséquilibré” par les syndicats, qui estiment être “loin” du “compromis historique” voulu par François Hollande d’ici à la fin d’année.
Syndicats (CGT, CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC) et patronat (Medef, CGPME, UPA) doivent proposer au gouvernement une ambitieuse réforme qui réussisse la gageure de donner plus de protection aux salariés et de souplesse aux entreprises. Accord ou pas, l’exécutif a prévenu qu’il légifèrera.
Les discussions divisent les partenaires sociaux, y compris le patronat, et patinent depuis le 4 octobre. A cette cinquième séance, le patronat a enfin mis un texte sur la table. Treize pages d'”offensive contre le CDI” qui “ne parlent que de flexibilisation du travail”, a réagi la négociatrice CGT Agnès Le Bot.
Faux, lui a répondu Patrick Bernasconi (Medef) pour lequel ce premier jet “prend en compte les deux dimensions” de la feuille de route du gouvernement, “plus de sécurisation des salariés et d’adaptation pour les entreprises”.
“Ficelage hâtif et déséquilibré” pour la CFTC, “magma incompréhensible” pour FO, ce texte est “très précis sur la flexibilité” mais “très flou sur la lutte contre la précarité”, a déploré Patrick Pierron (CFDT), ajoutant que son “seul mérite” est “d’ouvrir enfin la négociation”. “On est très loin d’un équilibre”, jugeait Marie-Françoise Leflon (CFE-CGC).
Cette trame reprend beaucoup des idées exprimées par le patronat précédemment, y compris la dégressivité des allocations chômage, “provocation hors sujet” pour les syndicats.
Ceux-ci ont regretté les très faibles ouvertures patronales sur la conservation des droits en cas de changement d’entreprise ou perte d’emploi, la formation des CDD ou l’information des représentants du personnel.
Le patronat divisé
Alors que 3 embauches sur 4 se font en CDD, les syndicats veulent décourager les contrats précaires en modulant les cotisations. Fait rarissime, la représentante de la CGPME est venue dire à la presse “sa vigilance à ce qu’on n’aille pas dans cette voie de la modulation”, alors que le Medef serait tenté de céder.
Le texte renvoie pour l’instant de façon sibylline à la renégociation de l’assurance chômage fin 2013. La CGPME “a le droit d’exprimer ses états d’âme”, a commenté M. Bernasconi.
Les “possibilités d’aménagement du CDI”, en facilitant par exemple le peu connu CDI intermittent (qui alterne périodes travaillées et non travaillées), la réduction à 1 an de la prescription aux Prud’hommes, le plafonnement des dommages et intérêts, rassemblent davantage le patronat.
Celui-ci prône surtout de simplifier les licenciements collectifs en proposant divers moyens d’éviter les recours ou de raccourcir la procédure, et suggère que le salarié licencié pourrait voir ses droits à l’assurance chômage réduits s’il n’accepte pas une offre de reclassement “valable”.
Dernier point de crispation, les accords de flexibilité permettant d’adapter travail et/ou salaires à l’activité. Le patronat accepterait de les limiter à 2 ans avec un “retour à bonne fortune” en cas d’amélioration mais réclame que le refus d’un salarié ne soit pas un licenciement économique, qui – à partir de 10 – déclenche un coûteux plan social.
D’ici à la prochaine séance, repoussée au 30 novembre, le patronat a promis de “réécrire” son texte. FO et la CFE-CGC ont dit leur souhait d’être flexibles sur le calendrier. La feuille de route leur donne jusqu’à mars 2013 pour espérer le “compromis historique”.
Si les propositions du patronat n’évoluaient pas, les syndicats veulent remettre en cause les 20 milliards d’euros de crédits d’impôts prévus au pacte de compétitivité dévoilé le 6 novembre.