«Il est inutile de nous voiler la face, les ligues de protection de la révolution ne sont que des milices au service de certains partis. Ils servent une politique de diversion qui vise à détourner l’attention de l’opinion publique, des composantes politiques du pays et de la société civile des véritables défis auxquels fait face le pays, à savoir les échéances électorales et le succès du processus de transition démocratique». C’est ainsi que s’est exprimé Taieb Baccouche, secrétaire général du parti Nidaa Tounes lors d’une conférence de presse organisée vendredi 16 novembre 2012 et consacrée à l’affaire Lotfi Nakdh.
Il a ajouté que les milices, appelées ligues de protection de la révolution bénéficient d’une protection politique et d’une impunité inacceptable. Les reconnaître constitue une erreur indiscutable de la part du gouvernement actuel car cela dénoterait d’une volonté manifeste de fausser le processus électoral et l’alternance politique pacifique.
C’est donc un appel sans équivoque à la dissolution de ces ligues lesquelles seraient une menace pour le maintien et le respect de l’ordre dans le pays. Ces ligues n’auraient plus rien à faire dans le paysage politique actuel du pays depuis qu’un nouveau gouvernement élu démocratiquement tient les rênes du pays et qu’il lui revient à lui et à lui seul de veiller sur la sécurité et l’ordre sur tout le territoire national. Cette insistance de la part du secrétaire général de Nidaa Tounes advient alors que l’affaire Lotfi Nakdh est en cours d’instruction au Tribunal de première instance de Tataouine et que les différents acteurs et protagonistes subissent des pressions énormes de la part des ligues en question. «Les pouvoirs publics s’orientent à donner à l’affaire l’aspect d’un simple échange de violences dont la conséquence aurait été la mort accidentelle du martyr Lotfi Nakdh. Nous avons entendu à maintes reprises des hauts responsables de l’Etat le dire et le redire, à commencer par le porte-parole du ministère de l’Intérieur qui s’est empressé d’affirmer que le défunt est mort des suites d’un arrêt cardiaque! Nous refusons d’entrer prématurément dans ces détails, il y a le rapport du médecin légiste de Gabès et un autre établi à Sfax qui nous apporteront les éclairages nécessaires sur les circonstances de la mort du martyr lynché devant son bureau. Pour nous, l’affaire est aujourd’hui devant la justice et nous ne voulons en aucun cas influencer qui que ce soit».
En attendant, il y a une tente devant le Tribunal de première instance de Tataouine dans laquelle se réunissent régulièrement les membres de la ligue pour la protection de la révolution de Tataouine, ce qui n’est pas nouveau de la part des ligues et nous rappelle d’autres tentes placées devant la télévision, la radio nationale et l’université de La Manouba… A Tataouine, des individus s’évertuent à perturber l’avancement de l’instruction et n’arrêtent pas d’invectiver les témoins, les juges et les avocats et d’appeler à la purification de la Tunisie postrévolutionnaire des symboles de l’ancien régime. Pour anecdote, le président de la Ligue de protection de la révolution de Tataouine occupait le poste de secrétaire général de la cellule RCD du gouvernorat…
De telles pratiques visant l’intimidation des témoins et menaçant de représailles tous ceux ou celles qui s’aventurent à témoigner à charge risquent de fausser l’évolution du procès de manière équitable. Elles pourraient tout autant toucher à l’impartialité du juge qui subit à longueur de journées les pressions et les menaces de la rue, alors même que la loi est tenue de garantir que les droits ou obligations de la personne ne soient affectés que par une décision reposant exclusivement sur des éléments de preuve présentés devant l’instance juridictionnelle.
«Nous avons confiance en notre justice mais les juges sont aussi des hommes et nous ne pouvons pas les contraindre à supporter l’insupportable. D’ailleurs, le juge d’instruction chargé depuis le début de l’affaire du martyr Lotfi Nakdh est parti en congé et un autre a pris la relève. Etait-ce vraiment le moment de prendre un congé?». La question a été posée par Ridha Belhaj, directeur exécutif de Nidaa Tounes accompagné des deux avocats portant partie civile au procès Lotfi Nakdh. Pour assurer la tenue du procès dans des conditions plus «normales», Nidaa Tounes a déposé, via ses avocats, une demande auprès du procureur général de la République pour le remplacement du Tribunal de première instance de Tataouine par un autre mieux outillé et plus éloigné du lieu de l’affaire. Un autre tribunal qui ne subirait pas autant de contraintes et dont les vues et les préoccupations aux différents stades de la procédure, se rapporteraient aux faits et aux faits seuls.
Les violences politiques à l’encontre de Nidaa Tounes vont crescendo, affirment les leaders du parti et la dernière en date, rappelle M. Baccouche, a eu lieu, il y a deux jours à la localité d’El «Hbira» à Mahdia lorsque des acolytes de la ligue de protection de la Révolution ont attaqué le bureau de l’Union nationale des agriculteurs parce que l’un des membres de Nidaa Tounes y travaille: «Il aurait pu finir comme Lotfi Nakdh», a dénoncé Hédi Baccouche.
Les procès intentés à l’encontre du président du parti vont crescendo au fur et à mesure que le parti gagne du terrain, a indiqué Ridha Belhaj : «Des procès et des accusations diffamatoires en provenance même de hauts responsables comme celle de blanchiment d’argent émanant d’un conseiller à la présidence et d’autres campagnes orchestrées par des médias et des responsables politiques, ce qui est inconcevable à un moment où le pays a besoins de toutes ses forces pour mener à bien le processus de transition démocratique».
Les responsables de Nidaa Tounes tiennent à ce que le procès Lotfi Nakdh soit assuré par la justice tunisienne dans les meilleures conditions d’équité et d’impartialité, mais n’écartent pas la possibilité de recourir aux tribunaux internationaux dans le cas extrême et improbable où la justice ne lui sera pas rendue: «C’est fort peu probable car nous avons confiance en nos juges et notre justice», a conclu Ridha Belhaj.